-
cri
mamamama chante l’enfant au visage qu’il ne voit pas
derrière, sa maman placidement pousse
les femmes qu’il fixe, mères le temps d’un cri
le poissonnier s’impatiente, je vous en mets combien
ses doigts plastique, nerveux dans son thon. -
temps, contrejour de désolation.
enlace la ville, son outrance
tu sursautes d’étreinte humaine
prends mer et retiens
enlace pierre mercure et vaguelettes
tu t’absentes écriture liquide
mais le temps enserre et faille
temps, contrejour de désolation. -
sommes-nous (4)
sommes-nous raidis, creusés de trop de mots
failles de nos regards obèses, sans écorce de pensée
nous flânons, entre filiation et absence
pris dans une chair vaine comme univoque tissu
usés de cendres, on tremble éventrés
sommes-nous remous de nuages gelés
vertèbres de pluie quand l’heure se tait
sommes-nous parenthèses de vent
sur des visages sans consolation
qui scrutent et nous évitent
on tremble
on tremble des os. -
j’aboie l’absence.
de lieu commun en éclat de sens, mots se délient
je chute, tendue comme brutalité de rêves
je crie, verticale liturgie des fins
l’ombre des seuils écoule ses jours affranchis
mes récifs d’instants sustentent le temps d’impatience
je suis brume lente, pensée de biais
ma douleur tangue sur la main, opaque comme veines
regarde la folie courir sur les doigts, mais palpe-la donc
vulnérable peau ne retient les visages
ils me reviennent et hantent
je suis cap de silence; à tout retour, peines
le hasard veut que j’aboie l’absence
tout tu, j’invoque la peur, j’en suis pleine
implore le geste qui manque
j’ai mal à ma mort
je chute, idée informela vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/30/jaboie-labsence-video/ -
soupir.
doigts soupirent dans mes cheveux, pulpes du geste
je ne vérifie pas
par crainte de nous fourvoyer poussière
implacable réel -
entre tes poings.
reviens, avant
mère dit
reviens avant, sans mot après l’avant
elle s’arrête avant
comme qui faute déjà
s’empêche comme pardon
s’empêche prolixe
reviens, avant
entre reviens et avant, pause comme frange
je trébuche dans tes petits silences
reviens, avant
elle dit, voix basse, courte
honte de quoi
tu supplies et ça condamne
ta voix d’à peine
me frémit monstre, comment je peux si loin
reviens
un avant sans date sans mois
avant et c’est furtif abîme d’une fin qui s’élude
peur de ta mort, mon épouvante
je dois te taire, démanteler l’instant
tamiser l’obsession du reviens
fanatique amour tiens
ma vie dans tes rêves insolubles
reviens, avant
l’absolu avant, comme reviens de suite
comme reviens à avant
avant, ma petite
reviens, césure
suspendue en filets de lettres
quand tu m’implores tu me broies
mortier de mots
je me hâte de quitter revenir
ta petite, dans tes poings.la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/21/entre-tes-poings-video/ -
j’aboie l’absence. (vidéo).
extrait:
…je suis brume lente, pensée de biais//
ma douleur tangue sur la main, opaque comme veines//
regarde la folie courir sur les doigts, mais palpe-la donc//
vulnérable peau ne retient les visages//
ils me reviennent et hantent…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/30/jaboie-labsence-video/ -
entre tes poings. (vidéo).
extrait:
…reviens, avant//
elle dit, voix basse, courte//
honte de quoi//
tu supplies et ça condamne//
ta voix d’à peine…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/30/entre-tes-poings/ -
un deux.
papa papa papa
exulte l’enfant
calme-toi calme-toi
voix du père -
sommes-nous (3)
on égare les phrases
sur des visages crevasses
sommes-nous monologues de silence
syllabes solitaires et inanes répétitions
on tremble des mots, servitudes de paupières
sommes-nous déjà le silence à venir
sourdines de nos aimés
on tremble
terreur ordinaire
on tremble -
sommes-nous (2)
sommes-nous désormais histoires
inaudibles au présent
sommes-nous récits radotés par des joues marmotte
mélodies de fantômes plus coriaces que fatigue
sommes-nous désormais spasmes de filiation
scellant ciel et monts comme distance entre les vies
branches en fuite devant le désarroi de nos enfants
on tremble
on tremble comme peau. -
sommes-nous (1)
sommes-nous encore contenus par nos peaux
corps brassés, os apathiques
nos heures carapatent aux parages
vies oubliées des verticales. -
on s’épuise aux seuils…
on s’épuise aux seuils de lieux hallucinés
obsessions de mémoire exsangue de souvenirs
mais seule la vie, la vie malgré tout -
seules herbes et ronces chatouillent ma présence
je m’ébruite à distance, absorbée
déjà avalée par cieux
je, abstraite forme
baroques couleurs asservies au décor
seules herbes et ronces chatouillent ma présence -
écrire l’écrire, marges et tréfonds (9). (vidéo).
écrire. (9)
extrait:
…écrire en fossoyeur d’illusions//
casser le sol, son agitation, les certitudes//
poussière au présent, gravats de pensées//
écrire, acharnement en marge//
morsures d’estomac et rauque faim…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/05/ecrire-lecrire-marges-et-trefonds-9/
-
Gilles Bonnet, «Spectralités de la littéraTube»
Fabula / Les colloques, La littératube: une nouvelle écriture?
https://www.fabula.org/colloques/document6282.php
extrait: « (…)Le ressassement caractérise le plus souvent ces œuvres de vidéo-écriture, tel l’«obsédant ressac» que note Gracia Bejjani dans sa série «Petite Fantôme»: c’est que le ressassement serait le fruit d’une énonciation propre au virtuel, si ce dernier comme le souligne Deleuze dans Différence et répétition, se caractérise par la multiplicité des possibles quand l’actualisé, à l’inverse, se réduit à l’unicité de ce qui a pris sa forme définitive. L’épisode 3 de «Petite fantôme», intitulé «Se dira dira pas se dira pas» consiste ainsi en un plan fixe sur un feu et ses braises, ou plutôt sur l’espace entre les bûches en train de brûler. Et le texte en surimpression de confirmer que l’objet de la quête demeure bien «l’absence entre/qui balbutie» (0’23). (…) >>>lire la suite sur Fabula
-article rédigé par Gilles Bonnet que je remercie vivement- -
écrire l’écrire, marges et tréfonds (9).
écrire l’écrire, marges et tréfonds
allant de muscles, de bruits qui creusent
écrire, adjuration de bouches
ventre gros de minutes aux aguets d’écrire
corps-orages tournent en rond
faste platitude des surfaces
écrire, comme on griffe les peaux qui grattent
furie d’ongles, éclats de joie
écrire, labourer entrailles et parfois rien
effervescence, usure, écrire ingrat
on enfonce bras et langue dans la tourbe
on absorbe, recrache, ça change quoi?
écrire d’une main sonore
doigts épouvantés, délicate crasse de soi
ça distille les confins du réel
fracasse prosaïques journées
textes tavelés d’émotion
écrire, détruire terre en ses tréfonds
essaim de visages par fuite de regard
ça se cogne à la complaisance
écrire en fossoyeur d’illusions
casser le sol, son agitation, les certitudes
poussière au présent, gravats de pensées
écrire, acharnement en marge
morsures d’estomac et rauque faim
ça cahote, demeure.la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/07/ecrire-lecrire-marges-et-trefonds-9-video/ -
tu immobilises mon errance (vidéo).
extrait:
…je t’envahirais//
diaphane cannibale//
t’emplirais langue//
mais tu immobilises mon errance d’un geste//…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/06/30/tu-immobilises-mon-errance/ -
tu immobilises mon errance.
entre ton épaule, ton cou
peau me mord
tes creux, flux sur mes paupières
je me perds
le temps désormais ombres, morceaux de toi
ténu instant entre épaule et cou
je m’égare
seule ton embrasure
courbe rescapée d’un envol de cheveux
comme habit qui tombe et nudité
ta peau, ses grains
je me suspends à l’absurde
t’aimer en ce frêle lieu de toi
lignes et biffures de raison
m’abîmer, cavité entre épaule et cou
ce ne sera pas baiser
mon ardeur, lèvres briguées par ta transparence
idiote d’amour
je t’envahirais
diaphane cannibale
t’emplirais langue
mais tu immobilises mon errance d’un geste
ta main me déconcerte
tes doigts à peine et je suis toute
échouée sur ton regard impavidela vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/07/03/tu-immobilises-mon-errance-video/ -
par terre.
Le sol c’est pieds et mains, le sol c’est peau qui colle et claque, sol présence sous soi et ça rassure tu ne tomberas pas plus bas que sol, le sol ton corps autre quand tu titubes ou quand elle n’en peut plus et tu passes de ses bras chauds et mous comme nourriture à la dureté du carrelage, maman ne peut plus te porter, soupire -elle pèse de plus en plus lourd, elle grandit ma fifille- tu glisses de son bassin au sol, elle te pose et tu as peur d’un jour trop grandir -bientôt je ne pourrai plus, elle dit parfois- quand elle renoncera à te soulever, pas de sa faute si tu es trop lourde, tu te vois abandonnée au sol, qui pour te relever, qui pour t’oublier, pour te distraire de l’affreuse attente tu ramasses tout -puissant aspirateur cette gamine, dit maman en riant- elle te tape les mains pour que doigts lâchent ces petites choses du sol encore plus petites que toi, ces minuscules, ton plaisir à les briser entre pouce et index, les transformer en encore plus petits que petits, gestes stoppés par les hurlements de maman quand tu approches de tes lèvres quelques miettes, elle t’attrape de lestes mains comme si tu devenais petitement légère, tu capitules bienheureuse de retrouver sa peau, malgré vertige et douleur d’être secouée ; parfois c’est toi qui hurles, détresse devant le gros cafard qui surgit de tu ne sais où, qui te salue du balancement de ses antennes, tu louches et hurles devant le noir lustré de son corps, entre fascination et horreur, hantée encore de son bruit de mort, craquement qui s’est logé dans ton ventre quand papa l’a écrasé pour te rassurer, ton papa qui a transfusé la peur dans ta tête en voulant t’en délivrer ; ton papa, ses bras qui à d’autres moments te jettent dans les hauteurs, dans les airs comme au sol, c’est le même chuter, mais vers les nuages, corps propulsé, cœur qui dégringole, jubilation et angoisse de t’écraser au sol, te briser en marée rouge qui submerge le béton comme dans les films interdits qu’à peine tu aperçois, dans les airs comme sur terre, tu apprends et assimile la matière, sensation matière et audace de corps, tu hésites entre bonheur et terreur, entre plaisir à ressentir la fraîcheur du carrelage et dégoût des odeurs de tapis en hiver, effluves de terre que cette laine foulée qui déploie ses motifs complexes, tu t’y perds comme en un livre d’images. Le sol c’est terrain de jeu, cache-cache et tu te glisses sous le lit des parents, yeux fermés, des mains tu caresses le carrelage pour te sentir accueillie pendant qu’on te cherche, vont-ils se douter de ton refuge et s’ils t’oubliaient, il arrive à maman de ne pas trouver son briquet ou sa bague -et bien tant pis perdu c’est perdu, elle dit- dirait-elle de toi, perdue pour perdue ? tu vivrais alors sous leur lit-tente qui grincerait leurs secrets, tu partagerais leurs émotions, leurs mots, ils les laisseraient tomber à terre sans se douter de ta présence ; par terre c’est jeu avec les frères, aire de combats délimitée et bagarres arbitrées par décompte 10-9-8-7… te relever avant le zéro, quitter le sol, le sang battant au rythme inverse des chiffres 7-6-5-4…, le moment où tu capitules avant de perdre, capitules aux sonorités d’un chiffre, mais plus tu grandis plus les aînés te mettent rapidement à terre, te plaquent et tu t’immobilises sous la force de leurs muscles comme une insecte. Le sol c’est cette nostalgie de joies et de drames, enracinement d’orteils et explosion de limites, tes pieds nus empreintes de mémoire, les étés de ton pays chaud, terrasse de maison muée piscine, on abandonne la serpillère contre générosité d’eau, les seaux se succèdent et ton corps hilare se rue sur les jets, leur frappe aussi jouissive que les vagues des vacances, ta plante qui perd pied, à peine retenue par une peau qui ne sait plus séparer l’eau de la terre, distinguer flottement et sécurité. C’est l’insécurité qui remonte, souvenirs de sommeils collectifs et d’abris improvisés, un immeuble entier tassé dans quelques pièces, matelas au sol, on se tient bas en journée aussi avec le sot sentiment d’être protégé si le corps ne dépasse pas une certaine hauteur, se recroqueviller pour rester en vie, invisible des bombardements aveugles ; tu revois grand-père embrasser la terre de ses ancêtres, tu te revois émue qui dérives, tu te raccroches à l’idée de ses lèvres salies d’argile pour ne pas empoigner sa mélancolie tienne, tu ne veux pas de baiser trempé de racines, ses racines et quelles racines ; tu te préfères indienne, tu embrasserais la terre de l’oreille, la laisserais irradier en toi, te relier au plus lointain, il faudrait renouer par terre, descendre, plier : ce que ça te fait d’à nouveau t’agenouiller, de capituler de pleine grâce. Ou te refuser, ventre aplati contre le sol tu boudes, tu te fais poids, plus lourde que lourde, personne pour te secourir -je ne peux plus la porter, ils diront tous- plus grande plus lourde, sol de chair qui te colle, te colle à vie, tu finirais par te transfondre en lui, ton toi sol, tu boudes, tu boudes on ne te bougera pas, tu boudes comme mourir et retourner dans la terre, car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
-
ZeTMaG (publication)
Come explore our latest issue with its range of fascinating works related to Language(s) and Space(s) – with Nicolas Vermeulin, Balpe Jean-Pierre, Gracia Bejjani, Janan Marasligil, Lou Sarabadzic, Tanja Vujinović, Mez Breeze, Annie Abrahams, Saemmer Alexandra, Anna-Maria Wegekreuz, Eugenio Tisselli, Chris Joseph, Natasa Boskic, and Qianxun Chen
Le thème de ce numéro de ZeTMaG est : Langu(ag)e(s)-(E)Space(s).
Ce numéro accompagne un colloque intitulé Languages INTER Networks, organisé par Erika Fülöp à l’université de Lancaster les 20-21 juin 2019.
La durée de ce numéro 4.2 est de trois mois. Ce numéro reste ouvert jusqu’à fin septembre.
ZeTMaG, un espace ouvert aux expérimentations et aux réactions, une zone temporaire, en transit, en mouvement qui évolue dans le temps, va s’épandre, se condenser, disparaître et renaître. -
me meus dans tes plis (vidéo).
extrait:
…je romps//
m’altère en baroque nous//
je tombe en toi//
turbulente de toi//
qui hantes…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/06/16/me-meus-dans-tes-plis/ -
me meus dans tes plis.
tu te tiens au seuil; m’étourdis déjà
tu surgis, improbable
au seuil et tu me précipites
ébranles vie, barattes ses virgules
et le clignement des instants
je romps
m’altère en baroque nous
je tombe en toi
turbulente de toi
qui hantes
tu pulses l’ombre
tout geste est scansion de toi
je songe, m’endors dans ton sang, le goût
je me meus dans tes plis
tu me creuses, m’éventres
frétillements, ma fureur de toi
mes heures se livrent à ta face
les secondes dérivent de gravité
me recueillir sur tes seuils, en vertige d’absence
dans l’urgence désormais à renverser le réel
et m’abasourdir sur ta peau.la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/06/16/me-meus-dans-tes-plis-video/ -
écrire l’écrire, ressac. (8)
poursuivre écrire
écrire ça ou rien
ça… ou balbutier imbécile
lèvres déchirées sur confus regrets
et toujours cette main inquiète
écrire escarmouche avec la vie, perdre à tout instant
et assourdir le clivage vivre mourir
écrire par reflux
silence, ça pulse
écrire, retenir son souffle; jeu de précipices
écrire pour le salut, pour le saut; pétri de foi
écrire pour épuiser vivre et s’y épuiser
pour raidir les dialogues par des voix sans adresse
écrire et répéter l’oubli, commémorations s’entêtent
relire le journal de ses 13 ans, on écrit encore ce qui s’écrivait déjà,
qu’on a oublié avoir écrit, déjà là, tout est déjà là
comme on dirait des enfants et que tout se joue avant 7 ans
écrire alors pour casser l’écriture
cet engrenage vénéré qui vrille l’âme au vent des jours
écrire et briser la langue, ses morceaux ne seront pas mots
refouler les belles phrases, que se taisent les spasmes de soi
écrire pour éviter dire
quitter l’humain et sa conversation
se faire points suspendus qui n’attendent pas,
à la trame de textes sans intention
écrire et s’égarer dans les palimpsestes
on a tant foulé de pages que le sang ressasse marées de corps
écrire ce qui parfois se trace sans les dents
s’estompe sans s’inscrire
écrire, sans livre à venir.la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/02/03/ecrire-lecrire-ressac-8/ -
relents de folie, quand la langue renonce.
au téléphone, la voix du frère poursuit
la parole est baume il pense, et poursuit
mais les mots se fichent du sens
ce qui se dit, sitôt brisé
l’essentiel a précédé
sa frappe acide
lapidation par la langue
échos pierreux
le cœur ne sait plus, enserré de douleur
cœur piétiné
hébété d’impossible
dans la résonance métallique d’une phrase en boucle: annonce de drame
depuis, ta salive engourdie, lourde
bouche lacérée, sang de plomb
tu réponds, pour que se taise la voix
toutes voix dehors
la bienveillance est cacophonie
faire éclater la peau
claquer les mots
ils ne sont plus soutenus
hurlés, parole animale
aussitôt aspirée, gouffre de corps
le tourment est dissonance
relents de folie, quand la langue renonce
ultime rupture.la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/05/30/relents-de-folie-quand-la-langue-renonce/ -
l’empreinte.
Je te rêve.
Tes yeux seraient bleus, ton regard, poigne.
Tu cours, fuis. Ton corps dans mon sang.
Ton visage. Vie aussitôt; ses questions.
M’inquiéter de ton avenir avant que tu n’adviennes.
Tu n’es pas.
Je t’écoute, te soulève. Tu joues. Ris. N’es pas.
Tu densifies l’instant. Je te rêve. Tes odeurs, tes yeux.
Tu es. À portée de chair. Tu es.
Tu es ma prétendue chair. N’es pas.
Ta vie te précède.
Ton existence devance ma raison,
et la triste épreuve du réel.
Tu n’es pas. Ne seras pas. Ton avenir est mon passé.
Tu es désormais obsession.
Tout détail est annonce,
signe de vies qui se refusent à chaque mois.
Tu es impossible à attendre, présence de tous les temps.
Tu as toujours été, m’aurais-tu précédée.
Je n’attends que ta matière, ta confirmation.
Ta venue me délesterait de l’empreinte.
Tu as toujours été, mon corps porte ta forme,
je te couve en creux.
Tu as toujours été. Masse en moi.
Tous les mois, tout est indice de toi. Marque de toi.
Tous les mois, tu es possible. Je suis conviction.
Puis désenchantement.
Le temps de ce silence est vacarme de sang.
Le sang à nouveau.
Le sang qui m’affirme par négation.
Premières règles, «tu n’es pas un garçon, mon adolescente».
À présent l’autre ritournelle scande les cycles : «tu ne seras pas mère».
Peut-être le mois prochain? Je suis ton entêtée.
Tous les mois, au balbutiement de tout retard.
Tous les mois. Toute nausée annoncera la joie à venir.
Tous les mois, il est possible d’y croire, grâce m’est donnée.
Tous les mois te préparent, te clament.
Tu es. Tu es ma certitude.
Tu es le credo de tous les après.
Mais le sang revient, m’entache de douleur.
Crampes et déchirements me détournent de la perte.
La seule souffrance,
te perdre alors que tu n’es pas.petite fantôme (texte de la série vidéo, épisode 5)
la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/05/18/lempreinte-5/ -
relents de folie quand la langue renonce (vidéo).
extrait:
…ce qui se dit, sitôt brisé//
l’essentiel a précédé//
sa frappe acide…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/06/10/relents-de-folie-quand-la-langue-renonce-2/ -
marmelade de ténèbres.
me tais
bercée d’obscurité
me coule, plomb
nuit et ses instants cieux
m’arrête, peau et chair mues par l’élan
me fais vitre et derrière déroule des cailloux de vie
nuit, je cesse de me mimer
molle de tous sons tus
me tapis contre, battue de cris
aux heures canines
me laisse mastiquer
partout, les trous
dentelles de questions
questions d’avant rhétorique
pourquoi je suis créée
et d’autres pourquois, cortège de stupeurs
de voix qui adjurent béance
avec la foi pour s’autoriser dignes
ma foi? je crois qu’il y a un mystère
verbe, sa matière abstraction
me tais, lourde de nuits
récits abîmés de fatigues vénéneuses
douce nausée des fins, fin d’yeux griffes
quand la gorge ahane les mots
m’abandonne aux tournants, sans la confiance des petits
la nuit, son pouls dans mes pupilles inquiètes
rivées à l’opacité
ce quelque chose qui respire d’immobilité
nous en dedans, rompus d’amitié
mêmes nuits d’un exil l’autre
instants textures comme nocturnes enfances
langue écumée d’analogues secousses
abattre les routes comme jadis le salon des parents endormis
marmelade de ténèbres
ça se traverse en tremblant
le soir, c’est journée qui s’accroche
qui ne sait pas s’effacer
derrière la présence étale, ça poursuit
brèches ensoleillées de solitude
les tours s’entêtent à illuminer les verticales
désirs se retournent
la nuit est miroir
les visages, paysages martelés à ses flancs
hoquets d’histoires languissent sur les écrans.la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:
https://graciabejjani.fr/2019/02/24/marmelade-de-tenebres/ -
comme première rencontre, premier amour (vidéo).
inspirée d’une page croisée en un trajet de métro: les émotions, les apprendre en français langue étrangère.
extrait:
…pour apprendre à être humain, si l’homme seul s’émeut//
langue maternelle en miroir, on interrogera la tristesse//
triste c’est triste, on sera rassuré…le texte de cette vidéo est également à lire ici:
https://graciabejjani.fr/2019/05/19/comme-premiere-rencontre-premier-amour-2/