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  • sans adresse. ces moments, Liban.

    Ces moments, Liban et pas, Liban et moi, eux moi ici ; instants sans corps, fragments de réel, leurs journées sur mes écrans, combien déjà ? Ils comptent, fierté ou argument, comme on déclame nos années de couple pour se rassurer sur le lien. Écrans en verve, pleins mots, cèdres émotions rouges ivresses d’horizon. Je n’ai que les écrans comme fantasmes de rues ; les vidéos tressautent, nerfs et joie, les vidéos bougent mais ne sont pas mouvement. Pourquoi c’est compliqué ? de penser les odeurs, poussière et cris, le quotidien qui se précipite, les rires ; de se cogner comme gamins. Il faudrait y être pour en être. Faire partie, douleur de toujours, être partie pour mieux faire partie ; revenir vérifier, tous les trois mois maintenant, savoir sans mots que j’y suis, que j’en suis.

    Vertige, le peuple dans les rues, peuple depuis quand ? Vertige chaîne humaine, elle reliera nord sud ; ni image ni abstraction d’hommes que ces corps noués. Je la rejoins de loin. A qui me raccrocher ? Vertiges de larmes à tout coin d’écran parce que l’hymne national s’épand d’un instant ordinaire, parce que je vois l’union, parce que je ne sais pas penser. Pourquoi c’est compliqué ? Sans avis, je ne veux pas d’opinion, mais oser l’abandon, éclats de réticence. Hommage au peuple, énergie de terre, mouvance qui tient. Au bout des doigts levés haut, vocalise sa singulière opposition, arrête un pays que rien n’a jamais stoppé. Pourquoi ces larmes, je ne sais ressentir, ni joie ni douleur : ma hâte à les écrire, faut-il s’en remettre au flou, se résigner au flou ma gravité, mon vertige de toujours.

    Je demande. L’amie ne sait pas, sa seule certitude, plus rien ne sera comme avant. Plus jamais comme avant. J’entends l’amie de toujours me dire ce jamais et j’ai aussitôt peur qui troue, espoir fou et peur, j’entends ce plus rien ne sera plus jamais comme avant, ce plus rien qui tranche, aussitôt aspire le pays d’avant, l’enfance, plus rien ? Les années adolescentes, leurs douleurs et la grâce. Magnanimes portes ouvertes, la générosité humble. Les voisins qui s’interpellent d’un immeuble à l’autre, klaxons chansons qui débordent envahissent comme les insectes de nuit. Le linge qui danse sur les balcons. Le trop de tout, tout en trop, plus rien comme avant ? Je tangue, farouche clivage. Nécessaire insurrection ; élastique nostalgie. Faut-il tout perdre de cet avant de mon pays d’avant et moi dedans, moi non plus, famille jeux joie lumière d’orient ; plus rien rien plus rien ne sera comme avant… je ne pense plus, ça scande sous mes paupières, ribambelle de vers.

    Pourquoi c’est compliqué ? Je lis les slogans, regarde les visages ancres d’émotions, l’entre-deux corps, que tissent les corps du groupe, danses de rue et nourritures en partage, pyramides comme vaines élévations de cieux. Je regarde ce qui fait unité, séparation, s’il s’agit toujours de chercher sa place. Ce qu’on trouve parmi les lianes. Je vois des drapeaux partout, je lis les avis des uns des autres, je n’en sais pas davantage, tout émane de loin, tout m’écarte, tout sans cesse m’y ramène. Je me rêve là-bas, d’autres y vont. Je ne prendrai pas l’avion pour voir les parents qui se languissent de moi, ni pour le plaisir d’une knéfé, d’un taboulé ; je n’arpenterai pas la mer ; je n’irai pas éprouver cet indéfinissable y être, en être, y être et trébucher d’amour pour ce pays, à tous pas. Je me rêve là-bas, foule rejointe, brouhaha exubérance, qu’importent les arguments et objections autres, la peur au ventre, ma peur d’une guerre, toujours cette peur quand ; la guerre comme l’amour, il te suffit de les avoir vécus pour être à jamais hantée. Aller tenir une main, triturer des doigts inconnus, sentir la sueur dans ma paume, vivre le dégoût d’une sueur autre sur ma peau, me mélanger vertiges, me consoler dans ce flou. Il faudrait y être pour en être.

    Compliqué d’être libanais ? Compliqué de ne pas l’être. Libanaise comme eux, pourtant différence. Je pleure tous les jours, des larmes à la voix coupée, déflagration de honte pour indécentes émotions à distance. Quel loin jamais mien ? Depuis les incendies des forêts, puis l’inflammation des esprits, le feu du peuple -le Liban peuple ? Depuis toujours quel loin m’y colle.

    Et toi maman, tu penses quoi de cette révolution ? Et toi khayé, mon frère ? Les murs des réseaux en écho ; l’émotion d’un militaire qui pleure à l’hymne au pays, le visage des femmes. Transpiration de puissance collective. En être sans y être, vertige et spectre, soudain petite face à la terrible angoisse du retour d’avant, l’autre avant, celui des massacres sans visage.

    #liban #lebanon #لبنان_ينتفض

  • immobilité verticale. (vidéo).


    Extrait : (…) ton chant me fouaille, notes de peu//
    Ta nuit monte en moi//
    Crampes de sang//
    J’arpente tes longs silences (…) »
    #LittéraTube #VidéoEcriture

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
    https://graciabejjani.fr/2019/10/29/immobilite-verticale/

  • peau hâte mes larmes. (vidéo).

    Au Liban toute. Depuis les incendies de la semaine dernière, suivis du soulèvement des citoyens. Latent déjà en mon dernier séjour de percevoir pulser le drame ordinaire (dans le sens fort, ordinaire qui envahit). Au Liban toute, depuis toujours. De loin, toute. Avec mes mots, captive et inquiète, comment penser une révolution citoyenne, nous, enfants de la guerre. Je regarde, de loin toute. Foule reliée et drapeaux, un peuple qui se révolte sans perdre le sentiment d’appartenance, qui se révolte en faisant la fête dans les rues.
    Texte et vidéo en hommage.
    La chanson chuchotée est de Fayrouz : « tiri ya tayara »
    Extrait : (…)crétine injonction, nous sommes le livre//
    pages comme nerfs s’accrochent//
    vos ombres, mon corps(…)//
    #LittéraTube #VidéoEcriture #Liban لبنان_ينتفض

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
    https://graciabejjani.fr/2020/01/05/peau-hate-mes-larmes/

  • Revue «Hors-Sol»

    Publication
    Gracia Bejjani / Fragments
    espace dédié (vidéo, photos, textes)

    http://hors-sol.net/revue/gracia-bejjani-fragments/

  • et moi mendiant l’infini. (vidéo).

    extrait:
    (…) ses horizons d’yeux pansent de silence ma fatigue//
    lente rencontre opaline//
    sa tête, heures éventées, tangue//
    dans chaude paume de mère//
    cou comme vertige à ses doigts suspendu(…)//

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • silence mouillé et chaud. (vidéo).

    extrait:
    (…) on se voudrait absence//
    la petite apprend que ça, elle, ce n’est pas comme elle veut// 
    cette elle qui pleure en soi, malgré elle// 
    que ça se fait sans elle, sans son accord //
    ça vous arrête sur le trottoir (…)//

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • autofictiographie (1), du presque-immobile. (vidéo).

    extrait:
    (…) Parler en libanais m’alanguit//
    langue maternelle, langue corporelle.//
    Je me lève nocturne//
    écouter dormir les hommes//
    ce qui de nous, capitule.//
    Bâiller me dévisse.//
    Résister aux souvenirs d’enfance//
    leur poigne doucereuse.(…)

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • obliques de soi. (vidéo).

    extrait:
    (…) griffes de regards, sans vaciller//
    nous hantons l’entre-deux//
    comment revenir sans avoir quitté?//
    nous égrainons les images//
    ça se déroule sans soi//
    on confond le réel, ses reflets sur//
    terre, vide scène de figuration//
    ciel comme faille (…)// …

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • voler en labyrinthes de fuite.

  • langue renonce (variation).

    l’autre, la voix poursuit
    succombe à la parole, onguent
    mais les mots se fichent du sens
    ce qui se dit, sitôt brisé
    l’essentiel a précédé
    sa frappe acide
    lapidation par la langue
    échos pierreux.
    le cœur ne sait plus
    enserré, visage ouate
    esprit piétiné
    réel hébété
    en résonance métallique
    une phrase en boucle: l’annonce du drame
    depuis, salive engourdie. dents lourdes
    bouche lacérée; sang acide
    répondre, pour que se taise la voix
    faire éclater la peau.
    hurler mots impossibles
    aussitôt chus, gouffre en soi
    relents de folie, quand la langue renonce
    ultime rupture.

    la vidéo réalisée avec ce texte est également visible ici:

    https://graciabejjani.fr/2019/10/03/langue-renonce-video/
  • langue renonce – variation. (vidéo).

    extrait:
    …L’autre, la voix poursuit. Succombe à la parole, onguent. Mais les mots se fichent du sens. …

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
    https://graciabejjani.fr/2019/10/04/langue-renonce-variation/

  • à un soupçon près. (vidéo).

    extrait:
    …Autant de morts que de morts.
    Que de raisons d’être morts.
    Que de lieux où mourir.
    Que de manières de.
    Que de défunts qui obsèdent la vie. …

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • nos liens filaments. (vidéo).

    extrait:
    …les passagers barattent le temps
    et nous, inhabile transparence…

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • il faut bien les poser. (vidéo).

    extrait:
    …d’un bout de bras…
    au journal ouvert à gauche…
    à la porte…
    à la hanche du voisin…
    au couloir noir où le métro se fait les dents…

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • interstices. (matin .2)

    silence de grottes m’éveille
    enclose
    je passe d’un corps à l’autre
    aux interstices, frangibles merveilles.

  • soleil blanc fait sa lune.

  • coi, la lune.

  • l’absence chute sans bruit.

  • silence des dimanches me peuple.

  • ciel se fend poing de lune.

  • le je ne sais pas d’une nuit de presque lune.

    (ceci n’est pas haïku mais vers solitaire; solitaire monostiche)

  • vertèbres de pluie quand l’heure se tait. (vidéo).

    extrait:
    …sommes-nous frange de vie
    nous clignons à peine
    liturgie de mâchoires arrachées à la démence
    sommes-nous le dédain des seuils…

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • un lisse naufrage

    tu as manqué
    ça empoigne toute la place
    j’en suis pénombre, espace public
    mes verticales, filaments courbes
    n’as-tu pas manqué? tes mains, regards, voix
    désertion
    je me hasarde sans branches de ciel
    tes effusions, lézardes qui épuisent (vident)
    ton amour, aberrante abstraction
    tu ne t’es pas risqué, tu es un lisse naufrage
    t’halluciner me condamne au vent éternel
    les passants me traversent, béance de pierre.

  • ode domestique. (vidéo).

    extrait:
    …gargouilles de nos silences informes//
    poubelles obstinations verticales//
    et fatigue odorante…

    le texte de cette vidéo est également à lire ici:
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  • sommes-nous (5)

    sommes-nous frange de vie
    nous clignons à peine
    liturgie de mâchoires arrachées à la démence
    sommes-nous le dédain des seuils
    splendeur sans éclat
    on se heurte, corps avides
    sommes-nous figures de disgrâce
    on se dit métaphore d’homme
    muscles courbés par les mots
    on tremble de silence
    sommes-nous la preuve de l’absurde
    l’étrange du monde, mort ordinaire qui se rapproche
    on tremble
    on tremble en silence.

  • talisman

    Par ciel lait
    Tu n’auras rien, il me dit
    Le rien d’un ciel clos blanc
    Tu n’auras rien, dit-il de ces mots qui lapident de face
    Je ramasse ma petite foi
    Me déverse, stériles naufrages
    Ces étranges je t’aime
    Tu n’auras rien, dit-il me parlant de toi
    Je m’accorde, monticule de nos reflets
    Te tenaille entre mes serres rapaces
    Portique sur la honte
    Et pends devant tes crevasses sableuses
    Honte de mes poussières
    De mes tonnerres humides devant ton corps
    Je sombre empreintes de tes pas
    Honte de supplicier silence
    Le vacarme n’est pas rugissement de cieux mais foudre domestique.

  • #souvenir, mots par-dessus mots, penser le souvenir au hasard des souvenirs qui récidivent (une série Facebook) – 30 souvenirs.

    30/ souvenirs, ma cristalline amnésie.
    écrire l’écrire, amnésie (3) (vidéo) >> https://youtu.be/R7jo_GDmwyg

    29/ souvenirs : les os de nos fantômes, funambules en nous greffés.
    L’autre en soi.

    28/ souvenirs : tracés sur les peaux de nos langues maternelles.
    écrire l’écrire, trajets de langue maternelle (1) (vidéo) >> https://youtu.be/EBFqyEmpZws

    27/ souvenirs de visages que je n’ai pas connus; étiques et poreux, comme la matité du réel.
    Se sentir attendus, en village inconnu. #Liban

    26/ souvenirs : mémoires d’outre-lieu.
    Aller-Retour. Coïncidence hasardeuse avec un soleil qui se lève ; se couche. Et cet étrange sentiment de se tenir toujours aux lisières de mes deux pays. En boucle.

    25/souvenirs : marches aveugles.
    On n’a pas vu venir (vidéo) >> https://youtu.be/zvSAhL4KgvM

    24/souvenirs : franges tendues entre débuts et fins.
    Où commence, où s’arrête le trajet ? Suspens.

    23/souvenirs embrument la mémoire. Le jeu, épreuves de paradoxes
    Petits nous jouions déjà à nous cacher des invisibles.

    22/souvenir : traversée de nos corps venteux.
    Traversée par tous les vents. À cran.

    21/souvenirs : scènes sans nous.
    Entre eux, invisibles.

    20/souvenirs : diaphane présence de spectres.
    Levée de spectre.

    19/ souvenirs : moites confidences de corps.
    Entre humidité et moiteur, le corps expire sa douceur.
    Ce n’est pas la sueur de l’effort, ni l’aigreur du labeur.
    Plus subtile, plus diffuse ; imperceptible confidence.
    Murmure qui se détache des pas lents, longs.

    18/ souvenirs : filigranes, marges du temps.
    Retrait. Face à face hors temps. Quelle histoire en filigrane ?

    17/ souvenir : un autre récit de soi.
    D’un autre point de vue, la rencontre est récit.

    16/ souvenir : sel, résiste à l’effacement.
    L’homme s’adapte ; à tout. La langue résiste.

    15/ souvenir : vie en rétro par fragments de regards
    « Rétro ! taxi » #Liban

    14/ souvenirs : nos instants captifs.
    « Capturer le réel » #Liban

    13/ souvenir : présence à l’aplomb de soi.
    « Elle a toujours été là, la mer »

    12/ souvenirs : traversées de paradoxes; matière d’horizons.
    « …à quelques km de la frénésie de Beyrouth, des horizons de la mer…. Sommes-nous de la même matière que le sol natal? comme lui traversés de paradoxes » #Liban

    11/ souvenirs : langue commune comme inconscient collectif, on se cause à notre insu.
    « Repli » #Liban (vidéo) >> https://youtu.be/_PKzTjIf1Zo

    10/ souvenirs : fantasme d’éternité.
    « Côte à côte; devant l’éternité coincés » #Liban

    9/ se souvenir : figé dans l’entre-deux.
    « Quand le mouvement est sur-place » #Liban

    8/ souvenirs : complaisances partagées.
    « Complaisance »

    7/ souvenirs : pudeur de l’inconscient.
    « Mais sans complexe »#Liban

    6/ souvenirs : vortex de l’instant.
    « Matière, mon corps. Ramassé de nerfs; à flanc de soi »

    5/ souvenirs : les silences du présent.
    « Les pensées au creux des pas, linceuls de ruminations passées; à vide. L’ouïe se prend à la terre. Silence, plus rien ne tourne »

    4/ souvenirs : saveurs de maintenant.
    « Épicer le réel » #Liban

    3/ souvenir de souvenir et mise en abîme.
    « À peine posé, les cèdres montent en toi; souvenir voilé implacable. » #Liban

    2/ je ne serais plus que souvenirs? remontent ce matin.
    « – Moi tu vois, au fond, je cherche l’amour. Une rencontre, la vraie rencontre.
    – Une histoire banale? L’ordinaire, c’est pas mon truc »

    1/ souvenirs : chronophagie des ans.
    « Je t’aime; je te mange »

    Lire la superbe analyse que réalise Marc Jahjah sur cet article