mars | carnet (100 mots par jour et des vidéos)

Petit monde sans toi, mon nouvel exil. Je me suis installée dans l’étrange, corps harassé de chagrin. Je ne pleure plus ; qu’il est troublant de tant souffrir sans pleurer. Fantôme sans toi. Petit monde sans toi, petite je redeviens, entre sursauts et obsessions. Je nous garde dans mes nuits. Je te retiens clandestine dans l’impuissance des rêveurs, transgresserai vie et mort pour que tu dures. Transformerai tes lignes effacées en violence aimante. Immense monde de toi. Mon secret lent. Je ne pleure plus, je reste ta petite naïve. Je serai patiente, obstinée. Petit monde sans toi, je ne quitte pas. /// 31 mars 2023

Leurs phrases tremblent sur tes joues, parlent à tes poumons, tu suffoques et poursuis. Elles savent pour toi. Sourires sévères, leurs phrases sont mimiques et visages. Elles battent dans tes paupières comme des voix. Elles parlent à tes dents ; mordre que leurs mots se taisent. Tu les entends des yeux, il te suffit de répondre. Tu t’exposes, on te reconnaît de loin. Leurs phrases t’écrivent. Tes attentes jetées par poignées. On te devine à tes humeurs, tu les poses sur ton front. Éphémère comme livre, tu passes entre les mains, te refermes. Tu te rends. Distrait, tu t’abstrais de toi. /// 30 mars 2023

Je me dis que les mots s’inventent comme des formes d’eau. Plagiat du réel dans l’incertitude. Je me dis que les objets n’existent pas, que le hasard convoque les possibles. Décale le style. Me dis que les yeux picotent quand ils voient. Les images trompent, lumière étroite. Je me dis que les voix voltigent en nous. Que le soir condense la parole ; elle respire bas. L’injure est désordre d’adresse. Détourne le trouble. Je traîne dans la langue, l’écoute comme première fois, bizarre, absurde. Je froisse les lettres, qu’elles expriment la coupure. Sortir du doux soupçon, au risque de la farce. /// 29 mars 2023 >> en vidéo

On est frères dans ces moments-là, complices. Les taquiner, pris par l’euphorie des surenchères. D’autres fois angoissés à l’idée. Notre mère, notre père, la maladie dont on ne prononce pas le nom. Mourir de tant fumer. Il nous arrive de cacher les paquets, de feindre ne rien savoir, où qui, ce n’est pas moi. Il nous arrive de briser les cigarettes entre nos doigts, geste éclair, excessif comme pastiche de puissance. Leur manque est plus fort. Le regard, pourquoi tu as fait ça ? et nous de fondre : s’il te plaît maman, arrête de fumer, ne meurs jamais je t’en prie. /// 28 mars 2023

Nerveux comme Liban. La colère rapide des hommes, leurs mouvements brusques. Les insectes, énervement des nuits. Les klaxons dans les rues. Pays nerveux, terre à cran. La chaleur qui agace, corps de tensions. On est hâté sans raison, toujours cette impatience. La nervosité comme peur aussi, inédite, rentrée. Alerte de danger permanent. Sursaut à tout bruit, la mémoire est tyrannique. Secousse qui exile. La nervosité comme mauvaise conscience. Quelles fautes nous enferment ? Surveiller l’ombre, ce qui peut en surgir. La nervosité et son contraire. Cette facilité à être, laisser venir, advenir. S’arrêter pour un café malgré l’urgence. Rire en désordre. /// 27 mars 2023

je trouve aussi, oui tout à fait… le métro comme le reste se dégrade… la modernité pourtant et on paie plus cher… mais ça fonctionnait mieux avant, jamais de problèmes… oui moi avant… tous les jours, l’exception maintenant c’est quand il n’y a pas de problèmes… tout à fait, pour ça que moi je pars plus tôt… ils en parlent à la télé… oui j’ai vu le reportage… ils l’évoquent souvent, c’est parce que c’est un vrai problème… je descends à Tolbiac, je prends un bus. Elle la prévient avant. Bonne journée Madame. Merci. Parfait savoir-vivre, pas comme ce maintenant. /// 26 mars 2023

Comme peau qui gratte, chansons hantent bercent. La mélodie revient sans silence entre les doigts. Ça gémit, balbutie de rythmes altérés. Le passé comme ritournelle égrène ses fausses notes. Comment taire les paroles qui épaisses s’accrochent. On a grandi dans ces tempos, nos corps répètent comme caisses de résonance, sortes d’instruments poreux. Les chansons agressent, bruits au hasard d’un cerveau qui se souvient. L’air est incertain, mais nos corps répètent, aveugles au réel. Ça résiste, ça nous coince, retenu dans une boucle hagarde. Les sons arrêtés en gorge emplissent le monde de cacophonie reconnue. Même musique s’entête entre les dents. /// 25 mars 2023

Tu n’es pas vieille, elle dit. Que sait-elle du tremblement de mes os. Du souffle qui cède dans les pentes. Des genoux durs comme marches d’escalier. Vieillir ou s’user comme palimpsestes. Je suis terre épaissie de mes vies passées. Que sait-elle des signes qui isolent, de la résistance du sens. Quand l’ordinaire hésite, menacé. Remous d’images comme pénombres de parole, la tête agile trouve les mots et les perd. Soulagement aujourd’hui précaire. Tu n’es pas vieille. Que sait-elle des gestes devenus rigides. Des yeux encombrés de tant connaître. Devoir la consoler de ma vieillesse ; la compassion m’est revenue avec l’âge. /// 24 mars 2023 >> en vidéo

Le toucher seul pour accrocher la vie. Il nous désigne, nous contient. Sans ce lien, nous flotterions, fantômes enfermés. Signes inutiles de familiarité. On se manquerait. On serait pierres aux peaux friables. Il s’agirait de s’éprouver sans basculer, côte à côte et distants. Opaques. Éclats de chagrins et d’heureux instants. Touchés, on s’expose, matière contre matière pour prendre trame, comme silex et feu. Nos peaux comme brouillard ; entre dedans et dehors. On s’attend, singuliers et avec. Précaires entre blessure et grâce. Notre obstination au mystère. Les mots séparent et nous perdent. On se risque. Faire histoire commune, prière oubliée, tracée. /// 23 mars 2023

Les premiers gestes grondés, on ne s’y attend pas, comment savoir avant. Mal, ce que tu viens de faire. On sera, pour d’autres actions, félicité. Nos fois d’après pour vérifier comme d’apprendre que le feu brûle les doigts imprudents, mais la douleur est tangible, et le recul immédiat. Le plaisir est bon, le corps le sait aussi, le devine. Mais comment faire pour que la morale soit instinct. Devoir recommencer ce qui se produit par hasard. Observer les yeux, les voix avant les reproches, avant les gifles quelquefois. Interroger sans mot comprendre avant le sens, pour voir avant la langue. /// 22 mars 2023

Il faudrait ça, recommencer. Repasser partout à l’envers. Pour détourner les traces, trancher ta vie en morceaux. Tailler. Rayer. Le goût des fruits. Tes premiers mots. La lumière. Ta respiration. Les douleurs au corps. Le vent. Inverser l’élan. Défaire le mouvement des années, laine d’un pull soigneusement tricoté, aujourd’hui décousu. Troublant plaisir à tirer, voir se détacher les mailles. Qu’on ne ramasse rien de signifiant après toi, puisque ce sera sans toi. Après de longs efforts pour te déployer, rendre visibles tes volumes, tu retires l’une après l’autre les racines de ta peau. Oublie Toi, on ne s’en souviendra pas. /// 21 mars 2023 >> en vidéo

Tu t’allonges près d’elle. Tu gênes moins à sa droite. Ta mère maintenant allongée. Si souvent allongée. Tu effleures son épaule nue. Douce. Dire, sans brusquer sa peau abimée par les prises de sang. Elle frotte rageuse, comme pour effacer une salissure de sa chair agressée. Nettoyer son avant-bras constellé de taches violacées comme carte de pays ; elle est ton monde. Tu veux l’apprendre par cœur. Ne jamais oublier. Te rendre invisible, inexistante pour la fixer dans ton corps. Inverser les places, l’ordre de la vie. La porter au ventre comme tu fus portée au chaud en elle, protégée, vivante. /// 20 mars 2023

c’est ta voix que tu entends, trahie. tes mots en toc. les livres autour poursuivent. ils n’entendent pas grincer tes phrases qui les lisent. ta langue de mauvais fantôme. tu dis vite la suite, d’autres mots comme pour marcher sur ta voix affreuse. avancer, piétiner le toc, tes fausses rides. tu t’ordonnerais de te taire, suspendre ton fatras d’intention. les gens ne s’arrêtent pas, ne te délivrent pas. table de mots entre vous, comme de se passer les plats. vos yeux raides aplanissent la lumière. tu te baisses, campée dans ton ventre, te distrais de ta figure lourde comme objet. /// 19 mars 2023

Je regarde l’heure, sans voir l’instant indiqué. Chaque cadran observé pointe ses aiguilles vers les années à venir. Je regarde l’heure pour interroger mes possibles fins de vie. Le temps flottant, incertain qui sépare du vacillement. Remonter le pantalon, nouer les lacets : un jour ces gestes seront longuement pensés avant leur mouvement. Comme s’il s’agissait de toucher l’idée pour retrouver l’adresse. Je regarde comme des rêveries de plafond. Me tenir à distance de l’âge. Certaines horloges battent et parlent, comme si le temps avait ses bruits. Les instants s’écroulent dans mes tympans, fracassés. Ma vie aussi un jour le sera. /// 18 mars 2023

Il aurait fallu ne pas dire. Que ta tête soit apparence attendue. Forcer la bouche, elle sait sourire vite. Tu ne t’es pas tue. Tu as lissé tes rides pour disparaître, mais trop extérieure. Il aurait fallu s’abstraire comme miroir, se fermer comme mur. Tu as la vulnérabilité de la poussière. Tu tombes quand on t’oublie. Tu rouilles grinces quand tu parles, il aurait fallu retenir l’habitude, perdre voix. Tu as peur, tu bouges contre la peur. Tes yeux pendent aux fenêtres, qui pour te sauver quand tu dépasses de ta peau. Il aurait fallu immobiliser ton sang. Te deviner. /// 17 mars 2023

Elle sourit à ses photos, l’une après l’autre rabattue comme cartes divinatoires entre les doigts. Et sa vie par ce mouvement s’anime des pages de passé feuilletées. Elle ne lit plus, la télévision l’ennuie. On l’a déjà vu hier lui, dira-t-elle d’un acteur de série quotidienne. Pourquoi on nous montre toujours les mêmes ? Et elle qui revient en photos, visage plat comme écran, le corps changeant. Elle a ce réflexe devant ses traits : confronter les reflets à ses représentations intimes. Se comparer sans s’être vue, comment se voir sans regard en volume. Elle se connaît par images, comme par cœur. /// 16 mars 2023

On sera piétinés d’un sourire qui rend fou. La magie sera fausse comme leurre. On vivra semblant. On recevra de nouveaux coups. On ne saura plus comprendre. On descendra plus bas au nom des valeurs. On acquiescera avec noblesse, notre bataille les déroutera. On sera les pas de côté de l’incohérence. On s’accordera à leurs yeux complices. Aux flux ordinaires. On ne cherchera pas à avoir raison, se savoir raisonnable nous suffira. On perdra notre superbe. Notre feu surtout. Notre mélodie sera hâtive, comme échos égarés. On n’aura pas d’intention. On se retirera. Notre vie sera comme lapsus, poésie involontaire. /// 15 mars 2023 >> en vidéo

Solitude des mains croisées séparées. Mon visage tâtonne et renonce. Je suis abandonnée par mon corps, ses partitions solitaires. Le ventre est laborieux, se contente de joies éphémères. Le cœur et ses voix battent, solitaires. Les bruits recouvrent mes pensées, m’isolent. Je pars seule dans des nuits sans moi. J’écris la distance, les fantômes des journées. Un cahier pour le désordre des mots. J’efface ma parole, me vide comme chose. Quitter toute époque, contrarier le temps. Le saut des pieds plus loin que ma gravité. Marcher pour relier le sens aux muscles forcés. J’oublie ; la fatigue repose des phrases vaines. /// 14 mars 2023

Il a dit, on ne meurt pas avant 105 ans. Mon grand-père, à mon père. Honore tes gènes mon fils. Il a dit, chez nous, on vit longtemps, 105 ans, tu m’entends. Il le répétait comme dogme de famille. Mysticisme de vie. Pères et oncles accordés, devoir imiter les ancêtres. Honorer leurs gènes comme fatalité heureuse. Dignité. Et nous, héritiers de ce paradoxe, notre dette à la terre. Recueillement sacré qui interdit la maladie. Cette menace sans cesse, mourir avant 105, comme trahison des origines. Il était paysan, pauvre. Il était sourd, silencieux. Il a dit, tu m’entends mon fils ? /// 13 mars 2023 >> en vidéo

Le sourire de maman, il y a. Sa peau de près. Les bras de papa. Je décolle, emportée. De peur, jubiler. Il y a le rire qui me vient. Sur la langue, la surprise des premiers citrons. Le froid du métal. Les pleurs, ces ordres adressés à l’inquiétude. M’entendre crier. Il y a les soins en douceur, plaisir de l’eau. L’odeur du savon. Le bruit des objets quand je les jette. L’excitation à jeter. La force de mes doigts qui agrippent. Les grimaces des visages pour m’amuser. Leurs mains dans mes cheveux. Il y eut ces jours de bonheur facile. /// 12 mars 2023

En marge du matin, soleil blanc comme lune. Mes yeux, encre vieillie. J’exécute les mots, j’ai perdu toutes larmes. On me dit : c’est mieux comme ça, non ? Mes gestes normaux ballottés dans un monde ordinaire. Je travaille devant des murs lumineux, oubli ou confusion de désirs. Ma voix comme impatience d’époque. L’exil aurait changé mon nom prononcé exotique. Matin. Le métal des nuits se dépose. Rêves comme traînées laiteuses. Secouer l’oreille, que tombent les plaintes par miettes. Je ne sais plus marcher, pieds de béton. Corps immobile ressasse ses pages mornes de paresse. Je n’ai pas tout quitté, pour ça. /// 11 mars 2023

Quand la dernière fois ? Quand as-tu été surpris ? Le nouveau d’une première fois. Le vent comme si tu découvrais ta peau nue. La maladresse des yeux qui regardent, captifs. Ton corps ralenti, le mouvement que la lenteur précise. Devoir deviner sans défi. La gêne. L’étrangeté d’une voix qu’on ne reconnaît pas. Quand ? Le mot qui échappe, si présent qu’il ne se laisse plus attraper. Tu es trop nerveux, impressionné, les mots aussi comme première fois. Rencontrer la langue. La rue et ses foules, humains nouveaux. S’étonner des épaules. Les cuisses d’à côté, trop près parfois. Voir les mains comme apparition. ///10 mars 2023

Foule. Tout corps m’est inamical. Je suis petite, envahie. Debout, entre eux, je me crispe pour respirer. Leurs cuisses débordent. Ventres. Bras qui parfois planent au-dessus de ma tête. Je suis leur noyée. Prostrée, muette. Peur sans raison. Je porte visage, formes. L’air pris sous le poids des présences. J’étouffe, frôlée. Odeurs des peaux, jambes infranchissables comme murs. Reprendre : je ne serai pas écrasée, piétinée. Des humains alentour. Leurs vies, une par corps. Debout dans la foule, comme piège d’os. Enfermée, carrelages de lumières artificielles, sons mordus. Le monde ronge, confond, isole. Je suis petite, invisible. Debout comme par terre. ///9 mars 2023

Si j’étais née garçon, j’aurais été un frère de plus, sans sœur. J’aurais porté les habits des frères aînés. Je n’aurais jamais été traitée de garçon manqué ; garçon. On aurait fréquenté la même école, n’aurait pas été séparés chaque matin. Je n’aurais pas eu à ranger quand les frères jouent. On aurait eu davantage d’indulgence quand je me salissais. Je n’aurais pas eu peur sans raison. Peut-être d’autres rapports aux larmes. Aurais-je pleuré devant les accouchements, les premiers cris. Je n’aurais pas quitté terre et langue pour fuir leurs vies de femmes. On ne m’aurait pas comparé à ma mère. ///8 mars 2023

J’écris avec l’oubli. Par coups d’œil, à tâtons. Contre la mémoire, ses voix décousues. Comme l’enfant retient les bruits qui s’éloignent. J’écris comme écolière qui répète. Apprendre par cœur les bribes perdues, temps clos. Attraper pêle-mêle de modestes traces, cartes retrouvées d’anciens territoires. J’écris contre la mémoire, contre l’oubli. Combien de villes, combien d’humains. Vertige de conversations dissipées. J’écris par hasard, je ne veux pas me rappeler ni retourner aux premières fois. Je me jette dans la langue, l’aléatoire qui étonne. J’ai si peur d’oublier les visages, l’éternité des liens. Je me souviens du regard de ma grand-mère qui m’oublia. ///7 mars 2023

Elle a ce réflexe. Voir les erreurs ; dans sa tête, les rectifier. Reformuler. Comme s’il suffisait de dire pour corriger. Racler le passé avec des mots, réparer la faute. La même, sous différentes formes. La langue est généreuse qui sauve peut-être. Elle a cette conviction, opiniâtre. Dire le monde, le dialoguer comme pousser les jours avec le corps, la tendresse du corps. Dans échanger, on voit « changer ». Elle a cette prière. Le commencement est déjà métamorphose. En verbe. Elle ne recouvre pas la réalité de phrases, la réalité est écriture ; elle en corrige les textes, comme maîtresse et devoirs bâclés. ///6 mars 2023

On pense avec la bouche, avec les muscles et les joues. On a appris à parler avec les refrains, poèmes ou chants. La langue passe, repasse, nous entaille de signes. Au rythme de l’instant. Nos pensées touffues, on marmotte l’idée. On a appris par boucles, on a récité. Répéter pour retenir, ça se raccroche. Ça obsède. On s’écoute, sans soupçonner le sortilège du vocabulaire. Pensées parasites, on respire dans leurs pouls. On réfléchira après. On galvaude, invective parfois. Se reprendre. On s’occupe, images et bruits. De quoi se perdre. Penser en diagonale, laisser échapper des mots involontaires. On s’y remet. ///5 mars 2023

On se parlait peu, j’attendais ses mots, lui ne me voyait pas. Ou confondue au flou du monde. Quelques images de mon grand-père. Ses oreilles, leur singularité. Immenses, parfaitement dessinées. Si inutiles : il n’entendait pas. Je vérifie les miennes. Sous la paume, elles soupirent comme grottes intérieures. Souterrains à explorer dans des replis de peau. Comme des coquillages qu’on ne perdrait plus, on y écoute le chant de nos profondeurs. Je les ménage, je couvre mes oreilles quand je dors. Les protéger du vent ou de quelques esprits malveillants ? J’ordonne mon sommeil autour de ce rite, leur éviter d’être traversées. ///4 mars 2023

On n’écrit pas, on compte les signes. Combien de mots pour atteindre nos objectifs, hasardeux. Le texte n’est pas écrit mais la question le précède, vont-ils aimer ? Sans savoir qui ils. Ce qui n’est pas encore créé, comment sera-t-il reçu ? Quel temps ça durera, accroché à leur oubli. On n’écrit plus, on comptabilise les pages, on suppute, cœur braqué sur des regards sans face identifiée ; on hallucine leurs yeux, à venir toujours. Leurs mots posés sur les nôtres. On n’écrit pas, on hurle ses doutes. On supplie dans des postures de déni. Ce qu’on n’a pas relu, déjà exposé, éloigné. ///3 mars 2023

Dans un monde sans toi, comment demeurer qui je suis, quand j’ai toujours été, dans ce monde avec toi. Difficile de continuer. Faire autrement, on me dit. Comme de naître d’un autre ventre, vieillie déjà dans des langues connues. Le vent sans toi. Le printemps à venir. Plantes et cuisine. Tu m’as transmis l’appétit du réel, pas besoin de souvenirs. Ton mouvement me traverse. Je ne te survis pas, je vis comme autre. Tu m’appelais « ma fille rouge », je suis une couleur depuis. Je suis ton sourire quand tu le dis : ma fille rouge. En français, tes r qui roulent. ///2 mars 2023 >> en vidéo

Certains méditent pour se recentrer. Devant le miroir, elle se regarde, se parle. Je te laisse trouver ce que tu peux faire avec ce visage aujourd’hui. Elle se répond. Voyons, voyons. Réfléchir à deux sans se duper, vérité singulière que l’on prendrait pour folie. C’est mal la connaître. Joueuse oui. Gamine malgré l’âge. Tu es belle, vraiment. Elle se sourit. Elle a souvent ces attentions, le compliment facile comme avec ses amies dans la vie. Elle devant le miroir et elle dans le miroir, comme deux amies à vie. Leurs échanges comme entre livre et cahier. Entre bouche yeux oreille. ///1er mars 2023