Torrents d’eau dans les escaliers du métro parisien pendant que je regarde un film sur la fin du monde.
Les mots de Trump. Comment faire encore confiance aux langues ?
Partout, nos têtes baissées. Plus d’empreintes que de doigts – emprise d’écran. Visions courtes, rétrécies Oreilles pleines, tous azimuts.
Nos irritations à la moindre contrariété. S’agacer par réflexe ou par fatigue ?
Des lèvres remuent, voix de peu.
Des phrases me reviennent. Elles se répètent, m’empêchent de penser.
Les couloirs du métro caricaturent le mouvement. Illusion de traverser ensemble.
Devant les amis, devant les inconnus, je suis touchée, concernée mais autre. L’isolement. Même.
Pour quelques minutes d’attente, on le sort. Moi je prends mon bic, ma riposte. Même obsession, même geste – seul l’objet se déplace.
Écrire ne tait pas le silence, il l’évide, le retourne. L’autre silence afflue. Semblable à cet indéfini qui circule entre rêve et sommeil.
Bic, carnet et couleurs. Mon écriture à la main, peut-être elle, unique. À l’écran, des lettres identiques, tapées par nos différences.
Aucune certitude de singularité, il ne suffit pas d’une graphie personnelle pour créer une voix.
Appel à sosies, mais pour l’écriture (forme et fond – deux appels).
Se relire ressasser : retrouver l’humilité.
On fixe les numéros affichés, persuadés de les aider à se précipiter jusqu’au chiffre attendu. Désintérêt aussitôt après.
Des papillons sur la couverture du carnet ? Des étoiles sur mon autre. Je me souhaite peut-être, envol et éclat.
Nouvelles tendances en communication : décaler l’attention. Sur une pub pour les lunettes, la femme affiche une énorme glace contre ses lèvres, un cornet. Plus loin, un mannequin aux dents si blanches, si bien plantées, que la belle semble se tromper de message en vantant une crème solaire.
La danse, le rire… le corps a cette liberté totale. Au malaise, on jugerait ridicule cet être joyeux et sans contrainte.
Groupes d’enfants dans le métro. Les bras des animateurs ne contiennent pas le désordre. Quai comme cours de récré transposée.
Certains cheveux donnent envie de caresser les têtes. Il suffirait de peu. Je m’en empêche évidemment. Si proche, je pourrais.
Elle répète : Villejuif, Villejuif… Se le répète. Déçue ou contente ? Je retiens la question.
Une dame et son petit-fils grandi. Ce n’est plus l’enfant, une nouvelle langue se cherche entre eux.
Ma première parole du jour, non désolée. Désolée de quoi ? Ma réponse précède les voix.
Devant moi dans la rue, un homme, une canne. De sa main gauche, il touche sa fesse pour soutenir la marche.
Au comptoir d’une salle d’attente comme seule en scène : Je n’aime pas les chats. C’est comme ça. Je déteste les animaux. Oui, tous. Moi, c’est les humains que j’aime. Ses collègues rient. Languette à la main, nous attendons d’être appelés.
Au réveil, paupière supérieure meurtrie. Petite rougeur mais le corps entier abattu. Comme si le rien de la lésion entraînait à terre toute vitalité. Et ce corps grand-maître achève l’élan. Apathie en diapason.
