avril | carnet (100 mots par jour et des vidéos)

Elle rêve, ça ne marche pas sur terre, ça bascule comme précipité. Les images reviennent, confidences ou défis. Elle ne sera pas aidée, on rêve seul, brûlé et fou. Oppression ou joie. L’angoisse du sac perdu parfois. Agrippe-toi. L’impératif, même quand on dort. Des mains lui rasent la tête, ses boucles au sol. Gestes endormis inquiets ou euphoriques. Nue dehors. Sans dents. Sois vigilante. L’injonction obsède. Ou l’émerveillement de l’émotion retrouvée. Tenir cette gravité, l’attente. Mais ça n’obéit pas. Le sommeil envol et paralysie. On rêve seul, ça répète. L’impératif indéfini improvise pour se rassurer. Elle participe au rêve, avalée. /// 30 avril 2023 >> en vidéo

Je ne décrirai pas ses mains. La peau de ses mains. Moins douce que le visage, mais je n’oserais pas approcher le visage. L’étrangeté au contact des mains. Ne dirai pas la timidité de mes doigts, la chute de ma voix déserte. Mon corps touché bat. Lumière autour comme ciment, d’intimité écrasée. Il a des paumes coquilles, j’y laisse mes ombres et ses mains comme murs cachent les rêves qui passent. Je tairai les tremblements, immédiats diffus. Le bruit de ses mains. Comme d’emporter ses odeurs effleurées, détachées. Et me souvenir déjà de la grâce. Toucher ses mains, sans but. /// 29 avril 2023 >> en vidéo

Il a une canne aussi fine que les cuisses. Béret à carreaux. Il a une canne et un béret mais il les tient à la main comme objets accessoires. Ses doigts dansent sur ses lèvres qui avalent à vide, mouvements de langue nerveuse. Souvent. Il bouge comme par réflexe dos, jambes, tête. Bouge et regarde tout ; paupières battantes, alertes. Vigilance renforcée par ses cheveux dressés, comme microantennes sur son crâne. Coupés ras, couleur indéfinie. Des bouts de papier dépassent de sa poche, le courrier du matin ? Tracts à jeter ? On l’imaginerait poète avec ses pages volantes de textes en cours. /// 28 avril 2023

Elle a montré les places à son mari. Là. Son doigt à la peau dépigmentée. Ils se sont assis face à face, comme aux petits-déjeuners chez eux. Ensemble parmi nous. Elle tient le smartphone des deux mains, à distance pour voir. Tape déterminée, index raidi. L’appareil tressaute comme clavier de machine à écrire aux touches rebelles. Elle vérifie après chaque frappe, sa tête tangue pour s’approuver. Lui a le regard qui glisse alentour. Cou droit comme par peur du vertige, le métro serait voiture paternelle. L’arrêt, le trajet… comme pour tout, il se remet à elle qui dit fait surveille. /// 27 avril 2023 >> en vidéo

Des traits à la place des lettres, des ronds, des ellipses. Esquisses de visages par moments. Écrire pour le geste sur la page. Main et formes. Le sens est agi par le hasard des signes qui glissent et tracent. Comme langue étrangère, ces gribouillages spontanés. Et pendant qu’ils envahissent la feuille, ma tête libre pense sans mots, échappe à sa lourdeur. Coupable devant la langue de lui préférer les mouvements. Lignes qui s’élancent sans but, qui s’arrêtent, bavent. Des blocs à main levée, je n’ai pas de question. L’insolence puérile pour me refuser l’écriture. Images au pied de la lettre. /// 26 avril 2023

J’ai cherché, ne sais pas le dire autrement. Pardon de choquer. Elle est morte. Tout pour ne pas l’énoncer. Devoir répondre parfois, signifier par des phrases de moitié. Les gestes dans leur fuite accrochent l’obsession. Morte. Les mots sont obscènes qui refusent d’incarner. Faux quand on aime. La mort, voyage ? L’improbable. Le réel est aveugle. Tu n’es pas partie. Tu n’as pas quitté, ni rejoint le ciel. Stupides mots pour éviter de nommer. Tu es morte, tu n’es pas ailleurs, tu ne nous quittes pas. Toujours de ce monde. Dans, autrement, intensément. Mort, ce mot coupe le souffle des vivants. /// 25 avril 2023 >> en vidéo

Elle revient, obsession. Détourne les phrases, leur superpose d’autres mots comme pour ne pas finir. Rythme. Juxtaposer sans faire de choix, répéter son indécision à être dans l’ambiguïté des possibles. Être elle, qui. Elle néanmoins et non l’évitement. S’engager. Elle empile les textes, les pensées comme de tenter sa chance avec les choses, les gens. Elle raye, empêche sans arriver à ranger la langue. Ramasser des formes de hasard. Comme de se tenir aux bords des pages, tourner autour de la masse. Fracture. Elle revient sur ses phrases comme matière à dessécher. Commencer toujours pour se séparer du dernier mot. /// 24 avril 2023

Elle a les cheveux gris, lisses. Les jambes parfaitement alignées. Mocassins aux pieds. À l’approche du métro, elle ferme son portable en pressant scrupuleusement la touche latérale, le range dans le sac. D’où il sonne dans la minute qui suit. Doigts précipités, répondre au plus vite. Oui Cécile, je vais bien je suis dans les transports d’accord oui (très appuyé) d’accord c’est d’accord d’accord d’accord d’accord d’accord oui d’accord d’accord d’accord d’accord d’accord donc je rentre avec lui dans l’appartement oui d’accord d’accord d’accord d’accord bien sûr oui oui très bien bien sûr d’accord quand j’arrive oui oui d’accord d’accord. /// 23 avril 2023 >> en vidéo

Il a fallu déformer la parole, consentir à ses heurts. Écrire est devenu mon altération de voix. Les mots par accident. J’ai résisté, j’attendais de la langue quelle garantie, quel avenir. Écrire à contre-courant, respirer les syllabes. Mon défi manqué : cesser d’écrire, de coincer mon corps. Renoncer, puisqu’écrire entasse les souvenirs, violence malgré l’aphasie des textes. Je ne sais pas. L’entêtement involontaire. Écrire, transgresser l’oubli dans ce mouvement de recul. Improviser le passé dans la matière-mots. Étourdie. Je relis, pour entendre l’odeur des phrases. Écrire contestée, endormie, distraire ma boulimie de sens. Me retirer pour manger l’abandon. Écrire se suffit. /// 22 avril 2023 >> en vidéo

Il a un bob en coton. L’air sérieux austère mais tout de divergences paré. Chaussettes noires sous le jeans foncé, chaussures marron. Des lunettes métalliques. Un tote bag H&M, j’imagine sa petite-fille : c’est pratique tu verras, léger. H&M raidi par les examens médicaux à ne pas plier. Les sourcils coiffent ses émotions, yeux crispés d’agacement douleur tristesse… Il se parle. Entre ses lèvres, il parle dedans. Baisse le regard dès qu’il peut, sa fatigue. Il se cale après avoir gigoté. Agrippé à la barre latérale, même assis même somnolent, ce besoin de barre comme main à tenir, retenir. /// 21 avril 2023

Tu me nommes rouge. Ma fille rouge. Ta voix comme intimidée, moi t’intimider ? Ma fille rouge, tu le dis en français. Sans ta langue maternelle, curieuse intimité. Simple et trouble dans son décalage. Tu me reconnais autre, étrangère tienne. Révélée couleur, chevelure auburn. Rouge, tu fais de notre histoire un récit à poursuivre. Fil rouge de l’après, ta fille pour toujours rouge. Ou ton énigme. Ta fille lieu. Tu me rejoins dans cette langue où j’écris, où je suis. Rouge comme titre de livre, je serais ton héroïne d’Extrême-Orient, ton extrême. Tu me nommes, geste premier. Pour toujours, ta rouge. /// 20 avril 2023 >> en vidéo

Vous rêvez aussi, ne vous étonnez pas des images qui échappent à mes nuits. Ma vie passive. Et la mort n’est pas cet effondrement, le grand départ comme vous dites. Eux prolongent mes jours de présence immédiate. Maman n’a pas cessé de me caresser les cheveux, de me nommer de ce surnom d’enfance qu’on ne me connaît pas en France. Garrousse. Eux me reviennent sans demande, élèvent l’amour qui nous relie. Vous rêvez aussi, pourquoi cette gêne à m’entendre écrire leur balancement mêlé au rythme de mes veines ? Mes rêves, tassement de vie et de mort, rien ne manque. Eux. /// 19 avril 2023

Elle a été cette fille-là, présence fausse pour préserver le corps, sa pensée. Elle a abusé de mots sonores, sourires pièges, s’est piégée. Elle a connu l’avidité des veines, l’indifférence au réel. Elle s’est abstraite du sol, l’exil avant l’exil. Elle s’est dispersée comme fumée inattrapable. Sa mémoire lente et le refus. Elle est aujourd’hui agitée, cruelle. Sa voix devenue humide, larmes tues. Elle a des mots épais, ils désarçonnent. Être comprise comme preuve d’amour, sa rédemption. Elle respire recule, corps occupé à vivre organique. Elle traîne comme vent, sa force assouplie de silence. Elle restera cette fille, femme dressée. /// 18 avril 2023

Elle a un jean à l’ourlet relevé. K-way plus bas que genoux. Baskets, sac de sport en nylon. Elle est vieille et gamine. Petite, agile. Gigote sur le banc du quai comme du temps lointain de l’école. Elle mastique son chewing-gum. Quand elle rit, dents et mâchoire s’avancent tandis que la lèvre inférieure est avalée en bouche. Elle parle à son amie, ne cesse, regarde tout. Quand je passe devant elle, elle me dit merci (pourquoi), yeux plissés derrière ses verres. Cheveux blancs touffus, comme rébellion trahie. Elle marche et retient des mains retournées le bas du sac à dos. /// 17 avril 2023 >> en vidéo

Il vérifie la phrase qu’il s’entend dire, ses mots l’ont précédé. Vérifie comme de s’assurer qu’il marche droit. Qui a parlé à travers ses lèvres et doit-on se croire quand on s’écoute dire ? Il faudrait ne pas s’arrêter, scander la langue comme respiration vitale. Ou s’interdire le langage, s’obliger au silence entre deux rayons. Quand il s’interrompt, tout ressasse faux, les mots se confondent, piège des beaux textes. Il en perd le sens. Parler serait chanter, proposer sa voix dehors comme un objet. Rythme de corps. Mêmes pensées le débordent, se répètent comme refrains. Il chante faux sûrement puisqu’il s’entend. /// 16 avril 2023

Ce que je fais sans savoir. Qui, ne sais pas. Comment me relie et l’ignore. Ce que je ne prononce pas. Manger, ce tourment des jours. L’aveu fatigué. Je m’acharne. Ça tient les bruits du corps. La langue rompt et passe, comme lame d’eau. Le cri hésite, les taiseux autour. Je m’arrête aux bords, oublie penser. Dissimuler le désarroi du muscle. Fuite lourde sans aller loin. Ce que j’ignore. L’endormi sous ma peau, l’accroché comme bulbe. Ce qui répète. Je ne décide pas mes rêves, les écris me dire. Ce qui me distrait, me détourne. Je pèse, je le sais. /// 15 avril 2023 >> en vidéo

Il tient debout, d’équilibre lâche. Son corps comme écarté de lui oscille. La mère tend sa douceur, il ne bouge pas ou sur place pour s’éviter de tomber. Non non. Sa réponse aussi entêtée que les viens, viens, des parents. Pour lui empêcher le sol, ses genoux et mains à toute allure, ivres de vitesse. Le bruit de la peau qui claque. Le froid du carrelage sur ses paumes, comme marcher nus pieds mais à proximité de la terre. Non. Il ne s’approchera pas des clefs, ni du livre proposé. Il s’immobilise, tangue comme tronc d’arbre souple secoué de vents. /// 14 avril 2023

On bavarde, on disparaît sous des phrases plus hautes que corps. Le texte en grandes enjambées manque les détails. Les fronts battent de pensées involontaires. Nos prières ont vidé les combats de tous mots. On renonce à l’attention des gens, leur compassion nous éloigne. On ne veut pas de leurs mains. Inquiets fragiles. On se sait. Bienheureuse fatigue au corps. On poursuit le manuscrit immobile avec nos morts. Disperser les remords d’avant. Nos cris suspendus en bouche, voix à distance. Notre calme est féroce. Quand la promesse résiste au chagrin, on s’entête à coller à la vie. Notre mensonge vrai. /// 13 avril 2023 >> en vidéo

ça vient ensemble, tu veux choisir, écarter. ça se resserre. soudés comme l’obscurité à l’invisible. l’un est l’autre. ce n’est pas une paire, mais un corps et sa vérité. tu as aimé, tu souffriras. la matière est manifeste, alvéoles de présence. nos visages. tu as perdu, veille malgré l’absence. à la fête des Mères au Liban, j’ai retenu mon cri. souvenir et oubli, tu veux décider. ça me poursuit comme appel et voix. je ne peux pas séparer. tout est signes maintenant, profanes. tu as aimé, toujours tu aimeras. ampleur du lien comme terre de gravité. je n’y échapperai pas. /// 12 avril 2023 >> en vidéo

Si la main comme visage disait la présence. Si les doigts, arabesques de gestes. Les pieds comme fragments pendus. L’autre comme contours de soi. On aurait l’audace de ne pas se raviser. Si le corps veillait, plus subtil que les mots. On écouterait battre la peau d’appétit, le cœur curieux. Ses voix assourdiraient le bruit des murs. Si le vent étirait nos poumons. On serait tranquilles, on s’agiterait. Même moment et son contraire. L’indifférence des inconsolés. Si le sang prenait forme, on connaîtrait cette lenteur. Son poids liquide. Si les rêves sortaient des nuits. Aussi faux et vrais que vivre. /// 11 avril 2023 >> en vidéo

On vivrait de ça, leurs regards. On se construirait avec des mots. On est pressés, on manque d’ombre. Certains implorent pour rester en vue. D’autres parlent, jouent et leur langue se jette comme deuxième corps propulsé, leur présence double. Ceux qui s’excluent muets. Les discrets reculent, s’évitent. Certains simulent pour continuer. Puis un jour on verra nos lieux communs. On refusera. On sera mouvement. On se découvrira joyeux. On nous jugera confus, contradictoires. On en rira, on s’accrochera au paradoxe. On est langage, ça s’entend. Les mots, on ne subira pas d’autres lois. On vivra hors fatalité. De banal merveilleux. /// 10 avril 2023
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Elle quitte par la fenêtre, transparence entre deux murs. Elle ne sort pas, elle se jette. Ne se jette pas, enjambe. Il ne s’agit pas de tomber. S’effacer visible. Dedans dehors sans transition. Les pieds dépourvus d’empreintes battent comme ailes. Elle ne disparait pas, marche sans terre où se poser. Prend la fenêtre comme elle se balançait petite, aveugle. Elle ferme les yeux pour ne pas sourire aux visages qui la voient. Elle ne quitte pas, elle se recule comme chant qui retombe. Fenêtre de ciel éteint, ses yeux vissés aux nuages récitent des hommages tardifs. Elle aurait dû avant. /// 9 avril 2023 >> en vidéo

Elle a entendu pareil, je le vois à ses paupières. J’ai prononcé cette phrase absurde, la découvre en disant. Des mots parlent sans moi, affranchis. Ça m’arrive maintenant, ils se forment sans pensée, se passent de moi. Comme gamme pour l’enfant qui apprend à parler, qui compose et défait sans but défini. Ce n’est pas le hasard d’un mot qui advient, mais la langue qui déborde, tumulte de voix étrangères. Ce tremblement. Je repasse la phrase, l’incongrue. Le silence de l’amie, inquiétude retenue. Ça se produit maintenant, tout comme ma main qui oublie l’objet qu’elle tient, le laisse tomber. Dédale. /// 8 avril 2023 >> en vidéo

Les billets circulent des mains du père à celles de l’oncle. Quelquefois directement vers la poche, comme furtif vol. On ne doit pas les voir, leur épargner le malaise. Tonton rend service, toujours prêt. Tonton les conduit en voiture, répare et porte. Il accompagne la mère au supermarché. Sinon, il attend. Tonton a ce naturel, s’immobilise, regarde loin, absent et attentif à eux, autour de lui. Sourire machinal, il attend. La fille pense à sa femme, ses enfants. Il passe ses journées séparé d’eux, dans sa famille à elle. Puis elle se dit que son père au travail c’est pareil. /// 7 avril 2023

Je ne suis pas moi, depuis que sans mère. Laisse faire le temps, on dit. Naître de ce vide. Re.née sans la grâce. Née face à la mort comme raccourci. D’autres demeures. Nuits de rêves naïfs et crus. Larmes sourdes quand je dors. Parfois le corps me déplace. Vent et peau du visage. Le bonheur de ces choses. La lumière, la sensation de l’eau. J’ai perdu toute émotion visible. Parler serait trahir, nous réduire en mots, comme pilon. Me distraire de détails, de vagues arrangements. Je regarde vivre des inconnus. M’amuse de ça, la distance. M’étire comme animal. Cette indifférence-là. /// 6 avril 2023 >> en vidéo

On écrirait ce qui ne se dit pas ; amplifier, condamner, rompre. Écrire ce que l’on pense à peine. Envoyer des lettres testaments, sans se relire pour ne pas se retenir. Écrire sans images, sans jolis mots. Écrire aussi pour exiger, s’enchaîner. On vivrait de ce décalage. Exagérer la douleur. La dire. Messagers d’absolu, on serait rudes. Au nom de l’amour, on s’exposerait, on serait purs, intransigeants. Excessifs, partout la caricature. On traquerait la faute, se châtier, couper. Nos phrases comme sabres de perfection, le soupçon entre les doigts. On se tairait. On éloignerait le monde de nos corps à redresser. /// 5 avril 2023

Tu n’as pas appelé aujourd’hui. J’appelle maman tous samedis, les habitudes sont aussi pièges, elle attend ma voix. Retenir mon bras tous samedis, il ne sait pas. Et m’arrêter autrement sur ta présence, maman. Arroser ton balcon ne suffit pas, les plantes comme le reste vivent d’amour. Tu me l’as appris, porter tout dans ce même élan. Bonnes fêtes de Pâques. Tes mains dans la pâte, tes doigts sur les moules de bois, la joie du visage qui offre les maamouls par paquets. C’est fait pour ça, offrir. Tes mains sur mes joues, mon bras. Tes doigts dans mes cheveux. /// 4 avril 2023

Il a la peau lisse sous le béret qui tient. Si lisse que crâne et visage se confondent. Il a des yeux avalés d’humidité. Des veines aux tempes, elles nous émeuvent. Il nous regarde comme foule. On peut le voir penser si l’on prend ce temps. Il avance résolu, puis s’arrête devant les portes qui se referment. Aussitôt perdu comme s’il s’agissait de l’unique métro de toutes destinations. Il a un cabas à la main. Il marche vite, mais par à coups, il précipite ses pieds sur place. Il semble nous traverser, tête d’aigle à l’affût, yeux pris d’horizon haut. /// 3 avril 2023 >> en vidéo

Un mot sur la page. Un autre. Les suivants. Toujours le même, son prénom. Il fait phrase, puis phrases. De pleines pages. Les suivantes. Son prénom, l’enfant continue, s’applique. Le même sien, à la main aucune lettre ne ressemble aux précédentes. Sans arriver au mot parfaitement écrit. La forme accomplie qui lui permettrait de s’arrêter. L’enfant ne réfléchit pas, elle écrit, n’écrit pas, répète une chose comme aveugle qui cherche ses contours. Son prénom n’est pas elle, il est empreintes sur des espaces plats, vidés du monde, nettoyés des commentaires. Lignes et questions qui se poursuivent dans une course vaine. /// 2 avril 2023

Elle ne ment pas, elle raconte. Et tout récit est comme rêve, du réel différé, froissé. Elle n’invente pas, elle s’arrête. Décale les scènes, leurs lignes discontinues. Elle ne les trompe pas, elle écrit. Elle a ce scrupule, écrire tout contre. Vrai se contrefiche de mentir. Elle ne triche pas quand elle déforme, recompose pour mieux s’approcher. Dire subjectif ne trahit pas. Elle ne ment pas, elle jette ses hypothèses, fouille le sens aléatoire des réalités. Ne ment pas, déforme pour trouver les contours, toucher l’évidence. Elle se justifie preuves à l’appui, persuadée de mentir quand elle est ambiguë, cachée. /// 1 avril 2023