Tu vieillis de lumière basse. Tes rires ont la voix perplexe. Souffle les éclats du temps, comme enfant ses bougies sucrées. L’arnaque temps. Te dire que tu vieillis ; aimer ça. Vieillir, comme naître autrement. Te soustraire aux lendemains, porter l’ombre sur ton crâne comme couronnement obscur. Tu leur laisseras la lumière. Juste polie. Tu choisis d’éteindre ta peau, te faire blanche comme statue de craie. L’amorce d’une langue qui se rue, ne finit pas ses phrases. Friable demeure. Rabats tes paupières sur ton calme, regard fermé sur le désarroi de ton corps. Tu traînes, prends ce courage-là, ne plus t’attendre. ///31 janvier 2023
J’ai oublié le corps. La nécessité du corps, ses réflexes qui sauvent. J’ai perdu le bon sens des gestes, la rondeur des bras, le repli du torse. Perdu les contours, les mouvements modestes de la peau. J’ai oublié l’instinct, le courage des moments confus, les risques joyeux. Je me suis assourdie de détails, d’indices sans mystère. Présence abstraite comme hypothèse humaine. J’ai la nervosité des visages détournés, n’entends plus applaudir mes os. Le regard sans lointain, sans ciel. J’ai troqué mes promesses contre des preuves à reprendre toujours. Doigts crispés sur des illusions, mes fragments de vies sur les lèvres. ///30 janvier 2023
J’essaie un autre moi. Un moi qui rit moins fort, sourit. Il ne pleure pas. Je t’aime, vous dit ce moi-là, il sait, dit, n’éprouve pas. Un moi distant, calmé. J’essaie un moi de tension basse, présence en retrait. Un moi sans moi, sans vous. Même monde au ralenti, voix étouffées. Les mots traînent comme privés du ventre. Les gestes tardent, réponses alanguies. Je perds mes éclats, les sursauts. Peau engourdie. Ce moi parle de moi, ne me dit pas. Il fait pour moi, ne m’anime pas. Il bouge pour que vie continue. Comme d’apprendre à mourir déjà. Cette absence-là. ///29 janvier 2023
Mes matins de bouche sèche, de temps sonore. La langue claque d’absence d’eau. Approche un citron, comme tu faisais enfant, tu salivais de poser une tranche sur ta lèvre. Sans mordre dedans, sa seule odeur désaltère. Fais-toi saliver comme enfant, bois ta salive. Ma soif d’hiver. Grotesque. Soif comme faim. ///28 janvier 2023
J’écris avec les pieds, jetés à petits pas. Les mots piétinent d’arrêts ; mouvements. J’écris avec mon poids de corps dans les pieds. Leur légèreté matinale. J’écris avec le recul des pieds quand dehors s’approche trop. Leur réflexe de se regarder, l’un l’autre comme solidaires. Je tiens sur la pointe des pieds, verticale pliée. Mes pieds me supportent. J’écris dans l’écart entre deux. Je ne fais pas chanter la terre, je rêverais d’ailes, de nageoires. Les pieds me transportent, jamais loin, à vue d’yeux. Le soir je prends mes orteils entre mes doigts, comme consoler un enfant. Par eux, j’avance debout. ///27 janvier 2023
Le mouvement. Elle interprète leur hasard, déduit et reprend. La magie aurait ce rythme. Compter comme parler, sa deuxième langue. Compter comme chant ou battement de sang. Aiguilles d’horloge ou marelle au sol, on s’y adosse comme repères. Ils ont ce pouvoir. Un chiffre impair lui porte toujours chance. Des pairs, elle se méfie. Sauf du zéro. Les vrais chiffres sont impairs, avec ce +1 qui crée la bascule. Elle n’aime pas les opérations, les longs chiffres à lire d’une traite. Elle les préfère dissociés comme lettres d’alphabet. Que ça parle, sans message défini, comme boucles de sens. Cette fantaisie. ///26 janvier 2023
Je suis sortie marcher pour ne pas écrire. Disperser les mots à chaque pas. J’ai filmé, regardé loin. J’ai parlé écouté, éviter d’écrire. J’ai repris leurs phrases, vivre surtout. J’ai répété : si tu vivais un peu. J’ai beaucoup regardé parlé écouté pour ne pas écrire. J’ai marché parmi les gens. Mes mots comme chaussures sur les routes. Tourner la langue autrement. Il fallait m’empêcher d’écrire, cette calamité ; arrêter la faute. J’ai fui les pages. Me suis agitée dans le monde pour camoufler mon besoin. J’ai plongé dans ses bruits pour taire mon corps. Les phrases me venaient séparées de moi. ///25 janvier 2023
Il y a vos visages, je les porte sur mes joues, mandibules soudées de rejet. Il y a les corps fantômes. À vous je m’abandonne. Une main de toi maman. Il y a vos histoires, elles recouvrent nos vies. Ton bras mon frère. Long temps sans bouger, ma douleur circulaire. Attente ou prière. Plus jamais répond le chant envolé, la fin serait négation, cet insupportable. Le visage de papa. Folle entêtée, je poursuis vos voix, votre présence étonnée. Il y a des nuits, longues. Leurs heures perdues en marge. Il y a des paroles, elles manquent. Je vous suis orpheline. ///24 janvier 2023
Elle ne mélange pas sa salive. Embrasser mais pas trop, ce qu’il faut de lèvres et de peau. Retenir son haleine, elle ne se mélangera pas aux respirations ; il suffit de détourner le visage d’un balancement pudique. Leurs odeurs racontent des histoires. Cacher ses mains ; mortelles, elles lui échappent. Elle se préfère soustraite, discrète. Oubliée. Écrire par fragments, ne pas relier ses pensées. Distinguer les détails, séparer. Elle veut des pages de mots blancs. Presque lisibles. Se nourrir de plats qui n’amalgament pas. Vivre sans reflets. Elle sera simple, isolée. « Je suis », sans pluriel possible. Singulière, ne se mélange pas. ///23 janvier 2023
De quoi, ta peur. Sois forte, forte comme l’objet. Prends la fixité des objets, cuir ou métal, ta solide matière. Immobile, tu veilles et brises. Forte forcée. Tu crispes, imbécile face aux coups. Brave les précipices yeux fermés. Sois forte comme ta mère, douces femmes des origines. Tiens-toi dans les marges. Forte à distance, en dehors. Oppose ta parole à leurs dents. Ta présence froide. Tremble de cette force délicate. Tu es forte comme la bête. Sors du monde. Forte fuis, tu t’éloignes ; confesses tes larmes, ta fragilité d’avant toi. Un jour j’ai cessé d’être forte, je me suis arrêtée. ///22 janvier 2023
Pour protéger mon corps, j’ai fragmenté leur présence. Ils sont langue, sueur acide. Ils sont bras, cuisse qui trop s’approchent. J’ai choisi le dégoût pour éviter leurs mains, leur haleine. Dents s’égarent excitées. Leurs rires débordent. Je crispe. Le dégoût comme instinct m’arrête. Neutralise leurs doigts, enferme leurs yeux. Quel refuge pour ma peau. Ils sont liquides, pertes qui trop collent, matières molles. Je me tais, épaules alertes. D’obscurs signes. Leur proximité arrache. Leur odeur contamine, rattrape. Ça pousse, se répète. Je veille, fabule ; l’imaginaire s’emballe, trompe. Le dégoût me détourne, il disperse ses adjectifs, dissimule l’essentiel : ma terreur blanche. ///21 janvier 2023
Tu n’as donc pas pitié. Cruel, comment peux-tu. Ainsi parle la fille à son dieu, persuadée de vivre sous ses yeux. Passive intimité. Il se tiendrait haut, spectateur absolu de sa fiction, patient compagnon de ses dialogues. Sa religion est conversation, elle n’entend pas les réponses, est-ce par manque de foi ? À son dieu, il manquerait le langage. Son silence tombe comme énigmes, délire le réel. Elle cherche la marque de leur duel dans les tremblements ordinaires. Je t’en supplie, t’en supplie. Enfant, il lui suffisait d’insister, sa mère cédait. Merci, lui échappe parfois, parole privée entre elle et lui. ///20 janvier 2023
Me cramponne au seuil, ce point qui sépare, ne détourne pas. Ce n’est pas simple amour des frontières, brèches. Ce n’est pas lieu de passivité. Ni l’impossible choix des gestes qui hésitent, mais lointaine décision, toujours se fragmenter, partout et ici. Empoigner, sur même visage, dedans, dehors et entre. Dans cette proximité distante, je suis avec, ailleurs et avant ; suis pas. Ce n’est pas goût du paradoxe, ses fulgurations. Je désire ce que je ne veux pas, ne peux pas ; anciennes promesses. Si j’écris avec je, sans pseudo-mots pseudo-moi, si je écrit qui je détruis ? Je ne me sauve pas. ///19 janvier 2023
Comme en cuisine, dose tes épices. Trop de ferveur écrase le goût. La juste mesure, sans calcul. Aie la main de ta mère, elle fait à la louche comme elle dit, d’instinct. Écoute l’odeur. Sans sel, l’assiette est fade. Teste l’improbable. Le trop sucré t’écœure. Touille, déchire. Éprouve la finesse de l’amer. Comme en cuisine, tes relations au monde, ton lien à toi. Mijote au feu. Mange, vorace parfois. Déguste les saveurs froides. La vie. Jette s’il faut. Explore les miettes, ce tout effrité. Laisse le plat t’échapper, son goût jamais même. Ainsi les autres. Livre ta gourmandise, généreuse, inquiète. ///18 janvier 2023
Une main dans ta poche. Des doigts. Le geste d’une seconde. Tu repasses l’instant que tu n’as pas vécu. Les minutes d’avant. Tu remets en scène, répètes ce moment. Ce qu’il aurait fallu. Ce que tu as mal fait. Les heures d’avant. L’année. Tes décisions fugaces. Sa main plus légère que les gens qui pressent. Tu es à la fois actrice et auteur de mouvements hallucinés. On recommence. Ce n’est pas ça. On n’a pas voulu ça. Le moment où ça descend. Où tu remontes pour supplier, rendez-moi mon téléphone. La foule des fins de journée, sa fatigue de masse. ///17 janvier 2023
Prends le mot mal. Sa voyelle entre deux consonnes, belle musique. Ne te braque pas, laisse parler ce mot. Discrétion de syllabe unique. Aussitôt sur tes gardes, comme terrorisé de te faire avoir. On t’a éduqué à combattre le mal. Saurais-tu le distinguer du mal-être ? Malheureux. Malaise. Maladresse. Malgré soi, ce qui se fait à travers nous. Le mal et la maladie. Le mal-aimé. On évoque parfois un mal nécessaire. À l’extrême, le mal absolu. Je ne joue pas avec les mots, peut-on apprendre sans nommer ? Dissocier le bien du mal. Et quand on a mal ? Réconforté ou puni, selon. ///16 janvier 2023
J’attends le passé. Je suis sans mémoire. M’accroche. C’est une nouvelle histoire, nommée notre vie. On l’habite à plusieurs, sans voir à qui revient tel épisode qui insiste. Notre terre est hall de gare, arrivées et départs confondus. On vit dans les brèches, on s’attend, espaces déplacés et présents. On ne sait pas parler, seules nos voix dialoguent, discrètes tenaces. On apprend leur patience, gravité flottante. J’attends l’oubli qui me concerne. On nous promet la mort comme oubli, sans rêve qui harponne. Je me fais passé. On s’y rejoindra, nouveaux exils où j’attendrai les origines. Morts, on attendra la vie. ///15 janvier 2023
Il lui demande, dis une couleur, la première qui te vient. Transparence. Puis elle précise, non pas voir par transparence, mais voir la transparence. Elle dit, parfois la transparence est plus opaque que la plus noire des couleurs. C’est dans un bureau, on dirait qu’elle n’a pas de corps, leurs voix de groupe passent, soudain pressées comme pour éviter son visage. Elle est comme disparue. Le clochard par terre, on le contourne de justesse. Sa transparence, l’odeur qui surprend. La petite terrifiée entre leurs deux corps basculés. Leurs mots, surenchère de violence. Ils ne voient pas son visage pierre, transparent. ///14 janvier 2023
Tu y es presque et ça s’arrête comme piège. Toujours ce lieu où s’arrête. Alors que presque. Qui ce tu. La manie de te parler au tu. Ça ne fonctionnera pas si je ne se dit pas, comment veux-tu être, si je suis, n’est pas. Prise de mouvement, comme si tout chemin était vie. Qu’importe l’objectif, tu as l’élan. Qui ce tu qui s’arrête aux lignes du presque. Tu dis je parfois, tu t’en excuserais si tu pouvais. Tu dis je comme un tu qui parle au je. Un autre toi. Qui usurpe qui ? Ça ne fonctionnera pas sans je. ///13 janvier 2023
L’ami qui coupe le lien un jour, sans raison, ne répond plus. La jeune fille qui campe devant la porte, mais attend que d’autres doigts l’ouvrent. La psy qui donne des conseils, les mêmes, à tous patients. La collègue qui repasse pour corriger des détails, elle, c’est toujours mieux. La fille qui mange en cachette, la mère qui fait semblant de ne pas voir. L’aîné qui pince en douce le nouveau-né pour confondre sa souffrance avec la douleur du frère. La salariée qui redouble de zèle pour un sourire supérieur. L’ironie comme mépris masqué. La voisine qui pleure la nuit. ///12 janvier 2023
Premier mercredi du mois, midi. Ici la sirène est code. J’apprends à devenir française, ne pas m’alarmer au son qui monte descend. Descendre et monter me rappellent les abris, nos précipitations. Notre guerre sans mesure d’anticipation. Les alertes n’avaient pas de code, le danger venait sans intermédiaire, direct comme l’instant ; sifflement de bombes, explosions proches, secousses du monde. Sans recours au code-symbole, on savait, se ruait comme sauvages vers les sous-sols. Pour remonter dans le silence des accalmies. Il arrivait qu’on soit blessés ou tués en chemin. Alertes aléatoires, sans la précision parfaitement rodée de la petite sirène en France. ///11 janvier 2023
Il faut vivre Madame ! La littérature la poésie, ce n’est pas la vie. Faites-vous plaisir, voyez du monde. Lire écrire seraient mourir. À la présence en écriture, préfère le plaisir. Arrête tes doigts, pose les livres. Parler, marcher, cuisiner… la vie. Rire avec les amis. Quitte ton cri, abandonne ton mouvement, renonce. Le réel serait s’occuper, pose tes images, sois utile. Tais les symboles, perds toute vision. Oublie qu’écrire te fait. Que vivre te fait écrire. Traite les mots comme pénible démangeaison, il suffirait de ne pas gratter. Touche les murs, palpe le métal. Obstine-toi à vivre pour vivre. Rampe. ///10 janvier 2023
« Sommes-nous libres de nos choix ? ». Elle a 17 ans. Dans la hiérarchie de ses études, la philo passe en dernier, on lui demande de réussir sa vie, non la penser. Aujourd’hui, elle s’autorisera cette liberté : écrire, ne pas censurer, se contredire. Sans savoirs ni enjeu, suivre tout mouvement qui émerge. Avoir cette patience-là. Les réponses aussitôt questions. Son plaidoyer pour une humanité libre se conclut sur un paradoxe : « Un marginal agit-il librement quand il choisit sa liberté ? N’est-il pas lui aussi assujetti à des idéaux ? ». Elle a 17 ans, elle savoure que liberté soit apologie et réfutation, en même geste. ///9 janvier 2023
On ne l’ose pas toujours. On ne l’exprime pas, on s’interdit. On l’adresse autrement. On a le regard qui demande. On a les mains qui attendent rusées. Est-ce que tu m’aimes ? La question qui ne se pose pas bascule en prière. On mise notre âme. On donnerait tout. On s’agrippe. Interpréter douter espérer s’inquiéter souffrir manigancer… Ton sourire me rassure ; tu me parles, ça réconforte… Ni preuves ni absence, on s’obsède. Combien m’aimes-tu ? On ne veut pas de chiffre, l’absolu ne se mesure pas. Plus que ciel, disaient nos mères ; et toi. M’aimes-tu, combien. On perd : aucune réponse ne convient. ///8 janvier 2023
Comme ça tu t’étonnes. T’étonnes qu’il cesse. Il t’aurait aimé mais maintenant. Sidérée, tu dis. Traitée ainsi, comment peut-il. Vos années, aujourd’hui ça. Tu t’étonnes qu’eux, passifs comme spectateurs, compatissants passifs, c’est pire. Comment ça, tu es surprise. Tu croyais quoi, épargnée parce que toi. Les autres, pas toi. Ce toi d’aujourd’hui est une autre toi. Toi, qui n’es plus. Tu cherches l’erreur, ton faux pas. Ça t’obsède. Réparer. Quelle faute illisible. Réel aussi absurde que ça. Tu rumines pétrifiée, ta révolte est violence assagie. Comme ça, tu t’étonnes quand monde bat d’injustice ordinaire. T’obstines, tu ne mérites pas ça. ///7 janvier 2023
La chanson comme refrain revenait, une ancienne chanson de Sabah. Demain ma chérie grandira, ira à l’école, on dira que ma fille est bonne élève, ses notes bonnes, toi chérie de ta mère, aimée de tes frères, ta photo grandit dans mon regard, du matin jusqu’au soir, et je me dis c’est bien, elle grandira et sera ingénieure. Cette chanson avec l’accent presque étranger, ces paroles dans la langue qu’on écrit. Chantée dans la langue précieuse des livres, chantée naïve. Ma mère reprenait, exaltait son amour dans des balancements de visage. Moi de sourire, ingénieure j’ai failli, pour toi maman. ///6 janvier 2023
L’arrogance des mains vides. Il ne les salira pas à toucher quelque autre peau. Il achète. Ce privilège pauvre de souverain sans présence. Ne renoncera pas, se refusera. Avidité de bouche pleine. Il se nettoiera les dents avec le scrupule des bouchers anesthésiés. Il se crispe de politesse, ignore le respect. Il tombe de pitié comme s’abandonner au sommeil, ne s’abaissera pas à compatir. Ne s’échappe pas de lui, son territoire, sa famille. Sa parole est discours. L’élan stratégie. La voix grince synthétique. Il achète, ça paie l’attachement. Quelle attente les maintient là ses côtés. Absurdes règles de nos temps écrasés. ///5 janvier 2023
Se contenir. Séparer. Soi, l’autre. Passive comme deuxième peau. Ou se décaler. Il faudrait plus de distance. Elle se voit regarder de haut, très haut ; se tenir plus haut encore. Haut combien comment. Lointaine, moins voir mais mieux voir, comme ces attentions flottantes plus affûtées que tous efforts crispés. Le plus loin possible sans perdre de vue la terre. Le monde, petit. Les pays, confondus. Villes et océans, minuscules. Vagues traces de couleur, de formes. Nos maisons, que reste-t-il des maisons de haut, si loin. Où sont les humains, invisibles masses ; leurs animaux. Mais elle, surtout elle, rien. Et disparait. ///4 janvier 2023
Battre des pieds, réveiller les pierres, que s’agace la vie dans mon sang. J’assiste aux gens, visage chuté. Privée. Ils dévorent mon cri, je suis leur absente. Os bruyants sous peau retenue, genoux comme tourbillons. Que peut-on contre la mort. Depuis sans vous, je ne connais confiance ni mots neufs. Lourde de pertes. Je bats, fruste front. Violence de bouche fermée, suspendre la parole, la fracasser de nerfs. J’écris mon corps boiteux de pensées morcelées. Fatiguer le cœur, que tombent les rancunes sans ennemi nommé. J’entends résonner ma matière jusqu’au pardon. L’étourdissement des coups rendus. Alors peut-être l’abandon sera. L’intime. ///3 janvier 2023
Quelle est ta couleur préférée. Comme l’amie, qui la meilleure. Comme jour de semaine, quel jour tu aimes. Comme opinion. Ou comme pays, lequel élire pour l’exil. Ton père ou ta mère. Quel prof à l’école. Fruit. Plat. Le plus beau souvenir. Si tu ne devais en sauver qu’une, qu’un. Puis du bleu, si tu retiens le bleu, lequel. Bleu céleste bleu électrique bleu outremer bleu ardoise bleu azur bleu barbeau bleu canard bleu ciel bleu de nuit bleu de Prusse bleu horizon bleu lapis bleu lavande bleu marin bleu pervenche bleu pétrole bleu poudre bleu roi. Et parmi les tonalités du bleu choisi, lequel. Décide, comme pour tout, élimine. Les nuances te perdront. ///2 janvier 2023
Tu as rejoint le canapé du matin, l’espace du silence comme première compagnie. Lumière particulière. Toi passive alerte en traînées de sommeil. Aujourd’hui tu as pleuré de paradoxes. Te trouver là (retrouver la puissance de cet entre-deux, entre lit et dehors), juste place et seule. Vigueur des matins, c’est ton étrange foi. Tout début est adresse de différence, comme si tu n’étais d’aucune identité, d’aucune histoire. Rompue, autre à la seconde. Tu as la patience de ces surgissements. Mais la perte ? Le matin est aussi abandon des veilles. Et dans ce vertige, ton œil figé. Fragments d’avant bascule. Quelle nécessité. ///1 janvier 2023